Commission de l'Intérieur, de la Sécurité, de la
Migration et des Matières administratives |
Commissie
voor Binnenlandse Zaken, Veiligheid, Migratie en Bestuurszaken |
du Mercredi 7 février 2024 Après-midi ______ |
van Woensdag 7 februari 2024 Namiddag ______ |
De behandeling van de vragen vangt aan om 14.13 uur. De vergadering wordt voorgezeten door de heer Ortwin Depoortere.
Le développement des questions commence à 14 h 13. La réunion est présidée par M. Ortwin Depoortere.
De teksten die in cursief zijn opgenomen in het Integraal Verslag werden niet uitgesproken en steunen uitsluitend op de tekst die de spreker heeft ingediend.
Les textes figurant en italique dans le Compte rendu intégral n’ont pas été prononcés et sont la reproduction exacte des textes déposés par les auteurs.
01.01 Simon Moutquin (Ecolo-Groen): Madame la secrétaire d'État, vous connaissez sans nul doute la situation des Palestiniens à Gaza. Je suis désolé du comparatif, mais on peut comparer ce territoire à une prison à ciel ouvert. La frontière est contrôlée, pour la majeure partie du territoire, par l'État israélien mais également par l'Égypte. Dix-sept ans de blocus, je compare cela à des souris dans une cage; c'est malheureusement la réalité de Gaza que j'ai constatée lorsque je m'y suis rendu. Par conséquent, la question de la possibilité de visa se pose.
Le poste diplomatique belge à Gaza étant fermé, il est très difficile aux Gazaouis d'effectuer une demande de visa pour notre pays. Normalement, les demandes de visa pour regroupement familial ne peuvent pas être effectuées par e-mail. Elles ne peuvent pas non plus être faites en personne à Jérusalem puisque les Gazaouis ne peuvent pas sortir du territoire.
Madame la secrétaire d'État, quelles solutions sont-elles dès lors possibles? Comment communiquer aux ressortissants de Gaza qu'une demande par e-mail est désormais possible? Comment cette procédure par e-mail se déroule-t-elle exactement? Le délai et l'exigence de l'examen sont-ils modifiés par rapport aux demandes physiques au vu de l'urgence de la situation à Gaza? Des ressortissants de Gaza ont-ils déjà vu leur procédure aboutir depuis la possibilité de demande par e-mail? Pour quelle raison cette mesure est-elle restreinte aux demandes de visa pour regroupement familial? Comptez-vous également l'élargir aux demandes de visa humanitaire?
Ma seconde question revient sur le sujet qui nous avait précédemment occupés dans cette commission, à savoir le fameux courrier, l'information, l'instruction ou encore la recommandation, selon la manière dont il a été lu, de l'Office des étrangers destiné aux communes qui demandait ou enjoignait à ces dernières d'informer du retrait de la nationalité belge aux enfants nés de familles palestiniennes. Cette méthode a été décriée par de nombreuses organisations et de nombreux avocats pour son iniquité.
Il y a quelques jours, le Médiateur fédéral a été saisi de ces événements et a communiqué à l'Office des étrangers que ses agissements se basaient sur une interprétation qui ne repose pas sur une position juridique solide et uniforme. Il ajoute que cela a créé une situation chaotique dans notre pays et qu'une insécurité juridique découle de cette pratique qui est donc bien illégale.
Madame la secrétaire d'État, allez-vous
soutenir la décision du Médiateur fédéral demandant clairement à l'Office des
étrangers d'arrêter d'envoyer ce courrier et de retirer les précédentes
instructions? Avez-vous été informée préalablement – c'est important – à
l'envoi de ce courrier aux communes? Qui a décidé de ce courrier au sein de
l'Office des étrangers? S'agit-il de son directeur général? Que va-t-il se
passer pour les enfants qui ont perdu la nationalité belge suite à ce courrier?
Vont-ils la retrouver? Quel est le nombre de familles concernées?
01.02 Vanessa Matz (Les Engagés): Madame la secrétaire d’État, les Palestiniens dont les proches ont été reconnus comme réfugiés en Belgique doivent encore se présenter physiquement auprès d'un poste consulaire ou diplomatique, afin de soumettre une demande de visa humanitaire et ainsi pouvoir quitter Gaza. Une telle démarche est impossible dans le contexte actuel, plus aucun poste consulaire ou diplomatique belge n'étant ouvert dans la bande de Gaza.
Un tribunal belge vient de condamner l'État jugeant que celui-ci a l'obligation de faciliter les demandes numériques de visa humanitaire pour les familles qui se trouvent à Gaza vu les circonstances exceptionnelles que vivent les Gazaouis. Ce jugement est assorti d'une astreinte de 1 000 euros par jour.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures allez-vous prendre pour les familles concernées par le jugement? Comptez-vous faire appel? La partie adverse a-t-elle demandé l'exécution des astreintes? De manière générale, quelle solution allez-vous apporter pour vous conformer à la décision judiciaire pour les membres de familles de réfugiés qui n'ont aucun moyen pour soumettre une demande de visa humanitaire à Gaza? Combien de demandes de visa humanitaire pour ces personnes avez-vous reçues jusqu'à présent? Combien de personnes cela pourrait-il concerner approximativement?
Ma deuxième question concerne la nationalité des enfants. À l'automne 2023, nous nous en étions émus, l'Office des étrangers a commencé à envoyer des lettres aux communes belges leur demandant de retirer la nationalité belge d'enfants nés en Belgique de parents d'origine palestinienne. Certaines communes ont suivi ces instructions.
Le Médiateur fédéral a été saisi de cette pratique et constate que l'Office des étrangers dépasse ses compétences. Dans sa publication du 31 janvier 2024, il demande à l'Office des étrangers de mettre fin sans délai à la pratique consistant à envoyer des courriers portant instruction aux administrations communales de retirer la nationalité belge aux enfants nés en Belgique de parents d'origine palestinienne, d'écrire sans délai aux administrations communales que l'Office des étrangers a déjà contactées pour les informer que tout avis concernant l'article 10 du Code de la nationalité est de la compétence du procureur du Roi et qu'il n'y a dès lors pas lieu de tenir compte des courriers que l'Office des étrangers leur a envoyés en vue de modifier la nationalité de l'enfant concerné. Le Médiateur fédéral demande aussi de n'envisager une communication d'informations aux communes, que si celle-ci émet les réserves nécessaires et renvoie aux organes d'avis compétents.
Bien évidemment, à la lecture de ces recommandations, on s'aperçoit qu'il n'était nul besoin d'attendre l'avis du Médiateur fédéral pour se rendre compte qu'on était dans la plus stricte illégalité. Dès lors, madame la secrétaire d'État, je souhaiterais savoir combien d'enfants palestiniens se sont vu retirer la nationalité depuis novembre dernier. Quelles en sont les raisons? Pour ceux qui se sont vu retirer la nationalité consécutivement aux instructions de l'Office des étrangers, comment comptez-vous leur réaccorder la nationalité belge? Quelles mesures l'Office des étrangers a-t-il adoptées en vue d'exécuter les recommandations du Médiateur fédéral?
Je vous ai dit qu'il s'agissait d'une question juridique, ne dépendant pas de la compétence de l'Office. Néanmoins, se pose également une question plus politique: comment a-t-on pu envoyer de telles instructions au vu de la situation à Gaza et de ce que les parents de ces enfants subissent? Il était pour le moins cynique d'agir de la sorte. Le Médiateur va peut-être ramener à la raison l'Office des étrangers.
01.03 Nicole de Moor, secrétaire d'État: Chers collègues, vous m'avez posé plusieurs questions sur la possibilité d'introduire numériquement des demandes de visa par des personnes résidant actuellement à Gaza.
Monsieur Moutquin, en ce qui concerne les demandes de regroupement familial, je puis vous dire que le site internet de l'Office des étrangers contient l'information selon laquelle la demande peut être soumise par voie électronique. Les réponses types de l'Office, de mon cabinet et du centre de crise des Affaires étrangères contiennent également cette information.
Vous me demandez comment se déroule cette procédure. La réponse est aussi publiée sur le site de l'Office des étrangers. En résumé, le demandeur envoie un e-mail au consulat général de Belgique à Jérusalem, en indiquant qu'il souhaite introduire une demande de regroupement familial. Ensuite, le consulat général envoie au demandeur un formulaire de demande de visa et les instructions relatives à la procédure à suivre pour le paiement des droits de visa. Puis, le demandeur envoie son dossier par e-mail. Le poste vérifie s'il a payé ses droits de visa et, en cas d'exécution du paiement, il enregistre la demande de visa avant de la transmettre à l'Office des étrangers pour la suite du traitement.
Les conditions relatives au regroupement familial restent d'application. L'Office des étrangers traite en priorité ces demandes de visa de Palestiniens résidant à Gaza, dans la limite des moyens dont il dispose et du délai légal endéans lequel il doit statuer sur les autres demandes dont il est saisi.
Et oui! Des ressortissants de Gaza ont déjà vu leur procédure aboutir depuis que la possibilité d'entrer leur demande par email a été offerte.
L'autorisation de délivrer un visa pourra toutefois être conditionnée à certaines formalités qui n'ont pas pu être accomplies au début de la procédure (capture des identifiants biométriques, consultation des banques de données de sécurité, vérification de l'authenticité des documents originaux, légalisation des documents établis à l'étranger etc.). Ce sera fait au moment où le demandeur aura la possibilité de se présenter personnellement pour présenter son titre de voyage et pour retirer son visa.
L'exception par courriel que je viens d'évoquer est la conséquence de la jurisprudence Afrin de la Cour de Justice européenne (CEJ). Cet arrêt visait explicitement les bénéficiaires d'un droit au regroupement familial qui se trouvent dans une situation dans laquelle il leur est impossible ou excessivement difficile d'introduire une demande de visa en personne. Il s'agit de garantir l'exercice d'un droit subjectif tiré de la directive 2003/86 de l'UE. Cela n'est pas le cas pour les demandes de visa humanitaire.
Pour ce qui concerne les trois ordonnances prononcées par le tribunal de première instance francophone à Bruxelles, le tribunal a jugé ce qui suit dans les dossiers individuels.
Premièrement, l'introduction effective de visa humanitaire qui était fondée sur les liens familiaux (les ascendants en ligne directe) de réfugiés reconnus en Belgique devrait être rendue possible par tous moyens de télécommunication en dispensant l'intéressé de se présenter en personne sans préjudice de l'obligation de se présenter en personne à un stade ultérieur de la procédure.
Deuxièmement, l'enregistrement de la demande doit être confirmé dans les 48 heures suivant sa réception sous peine d'une amende de mille euros par jour et d'un maximum de 50 mille euros.
Troisièmement, les personnes doivent être dispensées, au moment de l'introduction, de présenter les documents qu'elles ne sont pas en mesure de soumettre en raison du contexte sécuritaire avec la possibilité de les soumettre à un stade ultérieur de la procédure.
La décision est encore en cours d'analyse par l'Office des étrangers (OE) et par les Affaires étrangères, vu l'impact important sur leurs services. Nous faisons le nécessaire pour respecter ces décisions.
La décision n'a pas encore été signifiée à l'Office des étrangers. En conséquence, madame Matz, il est encore un peu tôt pour répondre à vos questions relatives à l'effet pratique exact, la demande d'astreinte et le nombre de demandes reçues. Sur le plan juridique, seules les personnes faisant l'objet de la décision de justice sont concernées pour le moment.
Des recours seront également introduits dans les trois cas, après consultation de nos avocats, parce qu'en effet, il n'y a pas de base légale pour rendre obligatoire une introduction numérique pour un visa humanitaire. Le parallèle établi par le juge avec le regroupement familial peut être fortement critiqué d'un point de vue juridique. Des commentaires importants peuvent également être apportés concernant la charge de la preuve. Il y a vraiment une différence entre le regroupement familial, qui est un droit, et un visa humanitaire, qui ne l'est pas.
La question des antennes consulaires dans d'autres lieux doit être adressée à la ministre des Affaires étrangères.
Concernant les questions sur la nationalité belge et les lettres de l'Office des étrangers, j'ai bien entendu pris note des recommandations du médiateur fédéral à propos des lettres envoyées par l'Office des étrangers. Je tiens à souligner qu'il s'agit de la situation dans laquelle un enfant de parents palestiniens acquiert la nationalité belge. Cela n'a rien à voir avec la protection que nous offrons en tant qu'État aux personnes en fuite.
Je l'ai déjà expliqué au Parlement à un stade antérieur et ma position à ce sujet n'a pas changé: dans la pratique, nous constatons que l'application de cet article se fait de diverses manières, ce qui conduit souvent à des situations absurdes. Une administration locale n'est pas obligée de demander l'avis du ministère public et cet avis n'est pas non plus contraignant. Il en résulte des décisions et des pratiques divergentes entre communes. Il n'est pas opportun de pouvoir obtenir la nationalité belge dans certaines communes d'une autre manière que dans d'autres communes. Ceci est d'autant plus significatif que la Belgique est le seul pays où l'accès à la nationalité est aussi facile, sans autorité centrale de décision.
L'Office des étrangers informe les autorités locales des informations contenues dans un dossier qui peuvent indiquer la présence d'une nationalité lorsque, par exemple, une demande de regroupement familial est introduite, avec un enfant qui a obtenu la nationalité belge en vertu de l'article 10 du Code de la nationalité. De cette manière, l'Office veille à ce que l'administration locale dispose de toutes les informations pour pouvoir appliquer correctement cet article. Il n'est pas question d'instructions. L'Office des étrangers n'est pas habilité à décider de la nationalité.
La lettre envoyée par l'Office aux administrations locales a effectivement fait l'objet de modifications linguistiques à ma demande. Un modèle différent est utilisé depuis le mois de décembre et le médiateur fédéral en a également reçu une copie dans le cadre du suivi de ces recommandations. Je trouve absolument logique, normal et absolument nécessaire que l'Office partage les informations dont il dispose sur la nationalité des parents, par exemple. Ce sont les informations dont les autorités locales ont besoin pour pouvoir décider de la nationalité d'un enfant de manière correcte. Le suivi qu'une autorité locale donne aux informations qu'elle reçoit de l'Office des étrangers n'est pas communiqué à l'Office des étrangers. L'Office des étrangers n'est pas compétent pour la prise de décision ni pour le suivi.
01.04 Simon Moutquin (Ecolo-Groen): Madame la secrétaire d'État, je vous remercie. Beaucoup de choses sont intéressantes et doivent être creusées. Mais cela fera l'objet d'autres questions.
Pour ce qui concerne ma première série de questions, le site de l'Office des étrangers – j'aurais dû l'étudier avant – donne des réponses. Vu l'état de la situation à Gaza – je rappelle quand même que 75 % des bâtiments sont détruits –, je ne suis pas sûr qu'il y ait un accès à internet à Gaza, de manière à pouvoir aller consulter toute une série de documents, etc. Je pense qu'il serait utile d'avoir cette information, peut-être via des partenaires belges sur place et de pouvoir diffuser l'information autrement que via le site. Mais je me rends compte que nous avons tous nos limites et que vos services font déjà ce qu'ils peuvent. Je nous encourage collectivement à avoir une réflexion sur la façon dont cette information pourrait parvenir aux Palestiniens qui ont droit au regroupement familial.
Le paiement des droits, par exemple, est très compliqué. Il n'y a plus d'accès notamment à internet mais je dispose aussi de chiffres sur les transactions financières à Gaza. C'est extrêmement compliqué. Je me demande aussi, dès lors, comment un Gazaoui peut payer une somme réclamée pour les visas au consulat de Jérusalem. C'est parfois un peu compliqué. Je m'interroge aussi sur la façon dont ils sortent. Vous nous dites que certains ont déjà pu avoir accès à ce regroupement familial. Est-ce par l'Égypte? Attention, vous aurez certainement lu dans la presse que les autorités ou certaines personnes égyptiennes profitent de la situation. Cela requiert donc également une attention particulière.
Je rappelle quand même dans ce débat que la situation de regroupement familial et le fait que des Palestiniens souhaitent fuir à Gaza, c'est avant tout en raison d'un blocus de dix-sept ans et d'un massacre qui est en cours depuis plusieurs mois. Il faut le rappeler. Finalement, les politiques de visa qu'on doit mettre en place sont une conséquence de la politique israélienne et de la disproportion grave et inacceptable de la réponse israélienne à l'attaque terroriste du 7 octobre 2023.
Pour ce qui est des visas humanitaires, il n'y a, en effet, pas de base juridique, mais il est quand même intéressant d'avoir une réflexion pour déterminer si on n'établirait pas une base politique. Je suis d'accord que vous lisiez l'arrêt et les mesures prises en disant "voilà, je n'ai pas d'obligation juridique". La question qui était posée était de savoir ce qu'on fait politiquement pour permettre des visas humanitaires. En cohérence avec ce qu'on a pu faire dans d'autres situations de conflit, je pense qu'on pourrait aller plus loin.
Sur la question du Médiateur fédéral, celui-ci critique non pas le fond, mais la forme de la lettre. Je suis très content d’avoir compris qu'un problème linguistique se posait. La version francophone donnait fort l’impression qu’il s’agissait d’une instruction, et pas d’une information. Vous me dites que vous l’avez fait modifier et je vous en remercie.
Je me questionne quand même sur le fait que l’Office des étrangers prenne ainsi des décisions sans vous consulter, ou sans qu’il y ait un peu plus de transparence démocratique. D’accord, c’est une institution qui dépend de votre secrétariat d’État. Mais justement, j’ai l’impression que, sur des questions aussi importantes, même si ce n'était pas le bon moment – cela a été décidé en août; la guerre actuelle fait que cela donne un peu l’impression d’une décision politique, alors que ce n’était pas votre décision – c'était quand même très maladroit et cela a fort choqué toute une série de personnes. Maintenant, c’est rectifié, et j’en suis content.
Dernière chose: tout cela repose la question de la contradiction grave qu’un pays, à savoir la Belgique, qui ne reconnaît pas la Palestine, ait un système de migration et d’asile qui reconnaît parfois la Palestine, et qui dit à des parents d’aller consulter la délégation palestinienne, qui n’est pas une ambassade, pour que leurs enfants soient reconnus Palestiniens.
Je trouve qu’il y a vraiment un décalage, qui n’est pas de votre responsabilité, entre notre politique internationale par rapport à la Palestine et la manière dont on l’applique dans l’asile et la migration. En fait, quand ça nous arrange, nous reconnaissons la Palestine, et quand ça ne nous arrange pas, nous ne la reconnaissons pas. Je pense franchement que le gouvernement doit se mettre d'accord à ce sujet, ou alors nous devons obtenir un consensus majoritaire pour avoir une cohérence en la matière.
01.05 Vanessa Matz (Les Engagés): Madame la secrétaire d'État, merci pour votre réponse. J’ai bien entendu, par rapport au regroupement familial, la difficulté de pouvoir accéder non seulement à de l’argent, mais aussi à internet pour la transmission de documents, etc.
Je regrette le caractère inflexible, en disant que cela s’applique pour les visas demandés dans le cadre d’un regroupement familial, mais que les visas humanitaires, c’est autre chose. Au fond, rien ne change, il faut faire comme d’habitude.
On sait évidemment bien qu’il n’est pas possible de faire comme d’habitude. Il faudrait pouvoir imaginer une procédure plus souple, que de s’en tenir à la présence physique, etc. Cela semble complètement aberrant dans le contexte actuel de Gaza.
Je suis davantage interpellée par votre réponse sur les mineurs, les enfants. En effet, si le médiateur fédéral fait des recommandations, c'est qu'il y a eu un souci quelque part. Ce n'était peut-être pas votre intention que l'Office des étrangers donne l'impression de se substituer à une autorité, mais dans les faits, c'est ce qui s'est passé. Il semble que les choses soient maintenant rectifiées, mais cela pose évidemment un problème pour toutes les situations de retrait de nationalité. J'ai peut-être été inattentive, mais que faites-vous par rapport aux communes qui ont pris au pied de la lettre l'instruction et l'information de l'Office des étrangers et qui ont retiré la nationalité à des personnes?
01.06 Nicole de Moor, secrétaire d'État: Madame Matz, comme je l'ai déjà expliqué, c'est aux autorités locales de prendre des décisions. Mais il y a un article dans notre Code de la nationalité qui n'est pas appliqué de manière correcte ou uniforme dans toutes les communes. Ce qui n'est vraiment pas une bonne chose. Nous avons, à l'Office des étrangers, des exemples de familles dont le premier enfant est né dans une commune A avec la nationalité belge et dont le deuxième enfant, né dans une commune B, a une autre nationalité, la nationalité palestinienne, qui existe et qui est inscrite dans notre registre national. Ce qui n'est pas une bonne chose. Ce n'est pas à l'Office des étrangers de décider de la nationalité mais il revient quand même à l'Office des étrangers de partager des informations.
Par exemple, il y a parfois des passeports avec une nationalité dans le dossier que possède l'Office des étrangers, informations dont ne disposent pas les autorités locales. Ce sont quand même des documents importants pour eux pour décider si l'enfant qui est né est apatride ou pas. Parce que l'article du Code de la nationalité a pour but d'éviter l'apatridie. Si un enfant est né sans nationalité, il obtient la nationalité belge. C'est le but de cet article. Pour pouvoir décider de la nationalité, il est important que les autorités locales disposent de l'information qui se trouve parfois uniquement à l'Office des étrangers. Dans certains cas, l'Office des étrangers est la seule instance qui détient l'information nécessaire aux autorités locales. Donc il est logique et même indispensable que l'Office des étrangers partage ces informations. La décision d'octroi de la nationalité belge revient aux autorités locales sur base de la législation. Il n'y a pas de correction à faire.
01.07 Vanessa Matz (Les Engagés): Sauf que certaines administrations ont pu penser que c'était une instruction pure et dure et avoir retiré des nationalités. Je ne connais pas assez d'exemples. On ne serait donc pas dans une forme d'uniformité comme vous le dites mais ce serait plutôt une chose qu'elles ont prise au pied de la lettre.
01.08 Nicole de Moor, secrétaire d'État: Ce n'est pas du tout le cas. La loi dit que quand un enfant est apatride, il obtient la nationalité belge. Il revient aux autorités locales de prendre cette décision sur base des informations que l'Office des étrangers leur communique.
01.09 Vanessa Matz (Les Engagés): Il reste à espérer qu'il n'y ait pas eu d'abus, avec des communes qui ont sauté sur l'occasion pour se dire qu'elles disposent d'un texte de l'Office des étrangers – une instruction et non une information – qui les oblige à le faire. Certaines communes ont peut-être retiré la nationalité en faisant une mauvaise interprétation de cet article.
Il semble que les choses sont rentrées dans l'ordre, ce qui est positif. Mais cette question a, à juste titre, soulevé beaucoup d'émoi sur le plan juridique. Il ne revient évidemment pas – et vous l'avez rappelé – à l'Office des étrangers de décider quoi que ce soit à ce sujet même s'il doit partager des informations.
Il y a aussi le fait que cette instruction avait été partagée avant le conflit, à un moment très peu opportun pour se saisir de cette question.
L'incident est clos.
Het incident is gesloten.
02.01 Malik Ben Achour (PS): Madame la secrétaire d'État, en région verviétoise s'est créée une taskforce regroupant les acteurs locaux qui travaillent avec le public des MENA en vue de leur insertion socio-professionnelle. Le nombre de ces jeunes présents sur le territoire a fortement augmenté ces dernières années et avec lui le nombre des classes dites DASPA. Une bonne coordination entre les politiques menées au niveau fédéral et les acteurs locaux en matière d'insertion est nécessaire afin que l'accompagnement offert par ces organisations puisse porter ses fruits.
Or, que constate-t-on
sur le terrain? Les ouvertures et les fermetures de centres d'accueil, ainsi
que les multiples transferts des jeunes, quelles qu'en soient les raisons, ne
facilitent pas cette tâche puisque le lien peut, par définition, être rompu à
tout moment, obligeant le jeune à changer d'établissement. Dans ce contexte,
ces professionnels expriment les demandes suivantes: l'arrêt des transferts
intempestifs, l'installation des jeunes ayant obtenu leurs papiers dans un
hébergement proche de leur premier lieu de vie en Belgique et, enfin, la
possibilité donnée à ceux ayant reçu un avis négatif d'achever leur parcours
d'apprentissage.
Madame la secrétaire d'État,
êtes-vous informée de cette initiative? Que répondez-vous à ces revendications,
en particulier en ce qui concerne le lieu de vie de ces jeunes et le lien avec
leur parcours d'apprentissage? Serait-il également possible de m’envoyer votre
réponse par e-mail?
02.02 Nicole de Moor, secrétaire d'État: Monsieur Ben Achour, mes services connaissent cette initiative. Je ne peux que saluer toute initiative visant à réunir les acteurs de terrain concernant ce groupe cible de jeunes migrants et cela, afin de créer un réseau d’expertise et de soutien.
Concernant Verviers, dans le réseau d’accueil de Fedasil, nous comptons deux structures collectives pour les MENA: une aile MENA dans le centre de la Croix-Rouge de Belgique et le centre full MENA de l’opérateur AMONSOLI. En 2023, seuls quelques jeunes ont dû quitter la région pour des raisons disciplinaires mais ces transferts comme mesure de dernier recours sont parfois nécessaires pour la cohabitation et le bien-être de tous les acteurs concernés.
Comme vous le savez, je suis en train de faire un tour des provinces avec un nouvel arrêté royal qui stimule les CPAS à créer des places individuelles supplémentaires avec des subsides plus importants pour un accueil individuel des MENA, reconnus et autonomes, afin qu’un hébergement proche du centre collectif soit possible avec les avantages pour l’apprentissage des jeunes. Les jeunes qui sont scolarisés dans ces centres peuvent suivre leur scolarité à Verviers et aux alentours sans difficulté.
02.03 Malik Ben Achour (PS): Madame la secrétaire d'état, pour des raisons de timing, je vais renoncer à mon droit de réplique. Je vous remercie, en tout cas, pour vos réponses. Vous êtes évidemment la bienvenue dans ma région!
L'incident est
clos.
Het incident is gesloten.
De voorzitter: Vraag nr. 55040846C van de heer Patrick Prévot wordt omgezet in een schriftelijke vraag. De vragen nrs. 55041180C, 55041181C en 55041182C van mevrouw Platteau worden ingetrokken omdat zij al een schriftelijk antwoord heeft ontvangen.
03.01 Simon
Moutquin (Ecolo-Groen): Madame la secrétaire d'État, le 23 janvier, la Cour d'appel de
Bruxelles a donné gain de cause à neuf associations impliquées dans l'accueil
des personnes exilées et a autorisé la saisie de près de 3 millions d'euros
chez Fedasil. Cette décision marque, s'il fallait encore le rappeler, que le
non-accueil des demandeurs d'asile et le non-respect des condamnations de
l'État sont totalement illégaux. C'est un signal de plus que cette crise de
l'accueil interminable et insupportable doit prendre fin, et que ce n'est
qu'une question de volonté politique.
Vous avez
annoncé à la presse un appel devant le juge des saisies, qui devrait se
prononcer d'ici mai. Confirmez-vous aller en appel? Ne pensez-vous pas qu'il
vaut mieux diriger toutes les ressources de vos services vers la résolution de
cette crise de l'accueil, plutôt que de continuer à contester les décisions de
justice?
Cette
nouvelle décision de justice vous enjoint-elle à prendre les mesures politiques
qui s'imposent, comme l'activation d'un plan de répartition obligatoire dans
les communes ou la phase fédérale d'urgence?
Face à
cette saisie, le porte-parole de Fedasil a indiqué souhaiter bénéficier de moyens
suffisants pour accueillir tout le monde. En plus des 150 millions d'euros
supplémentaires dans le budget de l'agence pour 2024, d'autres mesures
sont-elles prévues pour que Fedasil sache remplir toutes ses obligations? Je
vous remercie.
03.02 Vanessa Matz (Les
Engagés): Madame la secrétaire d'état, cela fait plus de trois ans que nous assistons, de manière impuissante,
à la crise de l'accueil. Les chiffres prouvent à quel point l'Etat belge a
failli: 2 500 demandeurs d'asile sont abandonnés à leur propre sort; ce
qui a donné lieu à près 9 000 condamnations de justice et la Cour
européenne de Justice a adopté plus de 1 500 décisions provisoires à
l'encontre de l'Etat belge pour non-respect des condamnations de justice.
De guerre
lasse face à la non-application des décision de justice par l'Etat belge, neuf
associations ont décidé de passer à l'étape supérieure en demandant la saisie
des astreintes sur le compte de l'Etat belge. La cour d'appel de Bruxelles a
ainsi autorisé la saisie-arrêt conservatoire de pas moins de 2 969 725,
69 € …sur les comptes bancaires de Fedasil. Alors qu'on devrait assister à
une amélioration de la politique de l'accueil des demandeurs d'asile, nous
constatons avec effarement que Fedasil et ses partenaires risquent maintenant
de payer les pots cassés liés à l'enlisement de la crise de l'accueil et ce en
raison du manque de volonté politique des partis de ce gouvernement.
Allez-vous enfin adopter des mesures fortes pour endiguer la crise? La presse relate votre intention d'aller en appel contre le juge des saisies. Dans ce cas, la décision définitive est attendue pour le mois de mai. Pouvez-vous le confirmer? Dans l'affirmative, pour quelle raison vous vous acharnez à introduire un recours alors que l'issue semble peu favorable à l'Etat belge qui n'applique pas les décisions de justice? Les places d'accueil sont gérées par les partenaires. Comment Fedasil peut-elle vérifier qu'une place qui se libère est-elle rapidement occupée? Existe-t-il un tableau centralisé de traçabilité qui reprendrait l'état des lieux de toutes les places? Des biens ont été saisis dans votre cabinet et celui du Premier Ministre. A combien est évaluée la vente de ces biens. Une saisie-arrêt de 400 000 € a déjà été effectuée. Cette somme s'ajoute-t-elle à celle de près de 3 millions €? Pouvez-vous nous préciser le nombre de demandeurs d'asile qui sont dans la rue? Leur profil? Y-a-t-il des femmes, des enfants, des personnes âgées?
03.03 Nicole de Moor, secrétaire d'État: Chers collègues, la situation du réseau d'accueil reste très précaire. Fedasil et l'ensemble du gouvernement continuent de déployer des efforts considérables pour remédier à la situation. On ne peut affirmer que des mesures fortes n'ont pas été prises. Je viens d'ailleurs en commission presque chaque semaine pour expliquer les décisions que nous prenons.
Actuellement, 3 122 personnes n'ont pas encore été hébergées chez Fedasil et se trouvent sur la liste d'attente. Cependant, il est vrai qu'une grande partie de ces personnes sont accueillies dans le cadre de la convention de Bruxelles, qui compte maintenant 2 000 places. Nous ne disposons toutefois pas de chiffres très précis à ce sujet. De toute façon, il ne s'agit que des hommes isolés. Fedasil tient toujours compte des vulnérabilités et donne la priorité aux femmes, aux enfants et aux personnes âgées.
Bien entendu, la gestion du réseau d'accueil est importante. Fedasil le gère bien et exploite chaque place disponible. L'ensemble des places est géré depuis des années via une base de données numérique appelée "Match-IT". Dès qu'une personne quitte le réseau d'accueil, celle-ci est désinscrite et la place est automatiquement mise à disposition pour pouvoir en désigner un nouveau bénéficiaire. Cet outil a en outre permis une meilleure correspondance entre places et personnes. Nous constatons en outre que le taux de saturation a augmenté grâce à ce matching.
Concernant les astreintes, il devrait y avoir une différence entre, d'une part, les astreintes à la suite des dossiers individuels partagés entre Fedasil et l'État belge – à cet effet, la vente publique d'une machine à café et d'un congélateur de mon cabinet a été récemment organisée – et, d'autre part, un dossier général mis sur pied par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone (OBFG) et un certain nombre d'ONG. C'est pour cette affaire que sont demandés environ 2,9 millions d'astreintes. Le 5 janvier, l'OBFG et les ONG en question ont obtenu gain de cause via l'ordonnance du 24 janvier. L'OBFG et ces ONG ont agi de la sorte avant même d'effectuer la saisie pour obtenir un titre exécutoire qui confirme l'exigibilité de la dette, sans qu'il soit préjugé de la saisissabilité des fonds.
Cette discussion se fera devant le juge des saisies. Ils se prémunissent ainsi contre le risque que cela soit considéré comme abusif. L'ordonnance du 23 janvier les autorise à procéder à une saisie compte par compte. Dès que la saisie se fera sur un des comptes, l'agence en sera informée dans les 15 jours, directement par la banque.
Un compte Fedasil a été saisi; il s'agit de celui contenant les fonds de fonctionnement du centre d'accueil de Lommel, et ce, pour un montant de 95 000 euros. L'Agence fera immédiatement opposition à cette saisie, ce qui aura un effet suspensif. Elle s'attachera à démontrer que cette somme est nécessaire à l'exercice de sa mission de service public. Ce montant sera toutefois bloqué dans l'attente de la décision du tribunal des saisies. Cela signifie qu'il faut trouver un autre moyen pour que le centre d'accueil de Lommel continue à fonctionner. Pour l'instant, il s'agit d'un seul compte mais il se peut qu'il y en ait plusieurs, et ce, pour un montant de 2,9 millions d'euros.
Je regrette profondément que ces mesures aient été prises car le fonctionnement de Fedasil est entravé. Il est absurde que l'Agence qui fait tout ce qu'elle peut pour accueillir le plus grand nombre de personnes soit bloquée et ne puisse plus fonctionner. Je ne vois pas en quoi cela profitera aux demandeurs de protection internationale. Je vous confie que cette démarche démotive toutes les équipes de Fedasil et diffuse une crainte à plusieurs niveaux. Cela n'aide pas au recrutement de nouveaux collaborateurs.
Je souhaite par ailleurs répondre à l'affirmation selon laquelle les organisations concernées feront leur propre accueil avec ces sommes. Nous avons déjà eu de très nombreuses consultations avec les associations concernées, entre autres pour voir si elles pouvaient faire quelque chose sur le plan opérationnel pour faire de l'accueil. Mais, en raison des difficultés opérationnelles, ce que je comprends, rien n'a été fait jusqu'à présent. Je ne vois dès lors pas comment elles pourraient le faire avec ces sommes? Il est plus logique de confier les budgets à Fedasil, l'Agence qui organise l'accueil depuis des décennies. En outre, les sommes sont bloquées jusqu'à la décision du tribunal des saisies. En conséquence, personne ne peut rien faire avec cet argent, ni Fedasil ni les organisations concernées.
J'espère que nous continuerons à travailler constructivement et que nous ne perdrons pas de vue l'objectif commun: donner une place à chaque demandeur de protection internationale. Chaque acteur et ONG ayant l'expérience de l'accueil peut se présenter auprès de Fedasil pour soutenir la création de capacités d'accueil s'ils veulent vraiment faire partie de la solution.
03.04 Simon Moutquin (Ecolo-Groen): Je vais répondre honnêtement, madame la secrétaire d'État. Je comprends votre émotion et votre colère. Je sais que vous faites beaucoup, à titre personnel, pour nous sortir de cette crise qui malheureusement, s'est un peu normalisée; mais il faut savoir qu'elle nous a indignés beaucoup et qu'elle devrait tout autant nous indigner aujourd'hui. Je comprends votre malaise, votre frustration par rapport à l'action qui a été intentée, mais si l'on se place du côté des gens qui ont voulu faire ces actions judiciaires, c'est aussi une manière pour eux de remettre le sujet sur la table du débat politique, de crier leur ras-le-bol également, etc. Donc, les deux parties ont toutes les raisons d'être agacées ou de considérer que ce n'est pas la bonne idée.
J'ai une sous-question pour plus tard: vous parlez-vous encore? Y a-t-il encore des lieux de concertation ou le dialogue est-il rompu? J'ai eu l'impression que par rapport au début de la crise, c'était plus compliqué. C'est sûr, c'est un gâchis d'argent, mais encore une fois, je pense que les avocats qui mènent ces actions ont envie de pointer du doigt le ridicule de la situation. Je ne dis pas que c'est votre responsabilité, mais on doit aussi être honnêtes et reconnaître qu'il y a des blocages politiques qui, en tombant, pourraient nous sortir de cette crise. On peut répondre aux avocats: "En fait, vous prenez de l'argent que l'on pourrait utiliser pour améliorer l'accueil de Fedasil." Mais les avocats répondront: "Non, il y a des blocages politiques." Ils ne sont pas les vôtres car c'est plus compliqué que cela dans une majorité. Si cette somme était consacrée à payer des places d'hôtel aux gens qui n'ont pas de place, ou consacrée à une forme de chèque pour se loger, ce serait mieux.
La question du plan de répartition reste une question politique compliquée. La question d'une accélération de sortie des centres des publics qui ne sont pas expulsables ou qui ne peuvent pas rentrer chez eux de manière officielle reste posée. De nombreuses solutions restent bloquées. J'ai appris en quatre ans qu'il y avait parfois de la complexité et des problèmes que moi-même je niais. Je suis d'accord. Mais on doit aussi comprendre leur point de vue. Je pense qu'il faut maintenant recréer un espace de dialogue. Je sais que la campagne politique arrive et que cela sera compliqué d'avoir un dialogue sur la migration mais je vous fais confiance pour cela; je suis certain que vous pouvez faire ce que les autres n'ont pas fait et prendre de la hauteur sur ce sujet. Je crois vraiment qu'il faut recréer un espace de dialogue avec les organisations, et voir qui peut encore agir. Il y a encore des bras de fer politiques à mettre en place.
J'ai encore une petite question. Vu qu'on suspend une somme importante, le budget va-t-il augmenter? Allez-vous demander l'augmentation du budget au gouvernement? Vous pouvez aussi répondre une autre fois. Je ne veux pas vous piéger dans une sous-question.
03.05 Nicole de Moor, secrétaire d'État: Non, le budget de Fedasil n'augmente pas, et cela va même plus loin que cela: les comptes sont bloqués. On en a besoin chaque jour, quotidiennement, pour le fonctionnement d'un centre, pour payer les repas, pour payer le personnel. C'est vraiment quelque chose de très émotionnel pour le personnel qui craint de ne pas être payé ni d'avoir les moyens pour faire fonctionner le centre. Cela rend le travail chez Fedasil extrêmement difficile. Il ne s'agit même pas du budget pour créer de nouvelles places mais bien du budget pour payer les places existantes. J'espère que nous pourrons conserver les places dont nous disposons aujourd'hui.
03.06 Simon Moutquin (Ecolo-Groen): Madame la secrétaire d'État, il aurait été intéressant, même politiquement, que le gouvernement dise: "Nous sommes sanctionnés, c'est le droit qui a décidé, mais provisionnons la somme équivalente pour au moins assurer le fonctionnement de Fedasil". Ce sera à mon avis une question politique pour plus tard. Je vous remercie pour vos réponses.
03.07 Vanessa Matz (Les Engagés): Madame la secrétaire d'État, je vous remercie. Je pense effectivement qu'il est indispensable que ces associations fassent des recours pour continuer à vous tenir, nous tenir en état d'urgence par rapport à cela. Vous me direz que cela ne change rien du tout, parce que de toute façon c'est comme cela, et qu'on fait tout ce qu'on peut, etc. Or ces associations ont le sentiment qu'on ne fait pas tout ce qu'on peut.
Depuis le début de la crise, j'ai du mal à dire si on fait tout ce qu'on peut ou si c'est une forme de cynisme par rapport au fait de dire "ne venez surtout pas ici en Belgique car vous ne serez pas bien accueillis". J'ai une hésitation par rapport à cela. J'ai toujours essayé de penser que ce n'était pas cela car, sinon, ce serait extrêmement violent.
Je comprends aussi votre indignation. Vous dites que vous faites tout ce que vous pouvez. Il y a peut-être le sentiment que le gouvernement dans son entièreté ne fait pas tout ce qu'il peut et que certains de vos partenaires de majorité traînent des pieds voire plus et font de l'opposition bête et méchante pour vous empêcher de déployer totalement l'ensemble des moyens ou des budgets qu'il faudrait pour l'accompagnement des centres d'accueil, etc. Je soutiens donc ces associations parce qu'elles nous permettent de garder nos capteurs allumés et d'être attentifs à une situation qui reste indigne d'un État de droit.
On peut le dire dans toutes les langues, on peut regretter qu'il y ait tant d'arrivées, on peut sûrement travailler sur des mesures en amont mais en attendant, quand c'est là, que fait-on? Depuis le début de la législature, la réponse de ce gouvernement n'a pas été à la hauteur. On a d'emblée été dans une logique restrictive en se disant que moins on a de places, moins on en accueillera. On remarque que ce n'est pas vrai et que c'est totalement contre-productif et inhumain.
Het incident is gesloten.
L'incident est clos.
04.01 Simon Moutquin (Ecolo-Groen):
Madame la secrétaire d’État, depuis le
1er février, des demandeurs d’asile de certaines nationalités suivent une
procédure accélérée de demande d’asile. Si je comprends votre volonté de
réduire l’arriéré du CGRA et de libérer plus rapidement des places Fedasil pour
résorber la crise de l’accueil, cette décision soulève plusieurs points
inquiétants:
- La loi
du 15.12.1980 prévoit la possibilité pour le CGRA de traiter une demande de
protection internationale selon une procédure d'examen accélérée à certaines
conditions. C'est le cas, par exemple, pour les demandeurs d'asile
ressortissant d'un pays d'origine sûr. La liste des pays d'origine sûrs ne
comprend ni la RDC, ni la Moldavie, ni la Géorgie. Pourriez-vous nous expliquer
si la procédure accélérée ou "fast track" dont vous avez fait la
promotion dans les médias constitue une procédure accélérée au sens de la loi
du 15 décembre 1980? Quelle différence faites-vous entre les demandeurs d'asile
en provenance de RDC, de Moldavie et de Géorgie et ceux en provenance des pays
d'origine sûrs? Un amalgame ne pourrait pas être permis, car il serait contre
la loi.
- En quoi
consiste exactement cette procédure accélérée? Les dossiers sont-ils simplement
mis comme prioritaires au CGRA ou d’autres éléments dans la procédure sont
accélérés et modifiés?
- Quelles
sont les garanties pour que chaque demandeur d’asile voie effectivement sa
situation personnelle analysée et qu’on n’assiste pas à un traitement des
demandes d’asile « par paquet » selon la nationalité?
- Au lieu
d’accélérer la procédure pour les personnes à faible taux de reconnaissance,
pourquoi ne pas accélérer la procédure pour les personnes à haut taux de
reconnaissance ou non expulsables? Selon les chiffres annuels communiqués par
Fedasil, cela libèrerait beaucoup plus de places que la mesure actuelle. Cela
éviterait également les écueils d'une procédure accélérée pour les personnes à
faible taux de reconnaissance, à savoir de passer à côté d'un réel besoin de
protection internationale à cause de la rapidité de la procédure. Cela
figure-t-il de vos prochains plans?
04.02 Nicole de Moor, secrétaire d'État: Monsieur Moutquin, j'ai demandé à mes services de demander de nouvelles procédures, dites de fast track, à destination de personnes qui ont peu de chances d'obtenir un statut de protection, à côté du cadre légal réservé à celles qui viennent de pays sûrs. Les demandeurs originaires de pays où le taux de reconnaissance est élevé ont généralement une durée de séjour plus courte à l'accueil, mais je reconnais que tout le monde a intérêt à une procédure brève. C'est la raison pour laquelle nous avons renforcé les instances d'asile afin d'augmenter encore leur output.
Cela dit, il est très important d'apporter de la clarté aux demandeurs mêmes, mais aussi eu égard au travail de nos services, surtout quand les premiers n'ont aucune chance d'obtenir une protection. Il n'est pas opportun qu'ils restent dans la procédure d'accueil pendant des mois, dans l'attente d'une réponse négative. Nous pouvons organiser plus rapidement le retour. C'est aussi une manière de donner un signal clair rappelant que la procédure sert vraiment à protéger ceux qui ont en besoin. Plusieurs États membres agissent de même. Ainsi, les Pays-Bas ont également développé des projets pilotes en ce sens. La procédure fast track fait partie du plan d'hiver que j'avais soumis au gouvernement.
Cette approche respecte le cadre juridique et le traitement individuel des dossiers. Le CGRA les traitera en priorité, de manière à raccourcir la durée totale de leur examen. Ce traitement est donc prioritaire, conformément à la loi de 1980. Il ne s'agit donc pas de la procédure accélérée, qui implique des délais de convocation et d'appel raccourcis, comme c'est le cas avec les pays d'origine sûrs. Un dossier ayant fait l'objet d'un traitement prioritaire au CGRA ferait également l'objet d'un traitement prioritaire par le Conseil du contentieux. C'est essentiel en vue de limiter la période d'accueil.
04.03 Simon Moutquin (Ecolo-Groen): Madame la secrétaire d'État, je suis rassuré par la différence que vous venez d'établir avec la manière dont la presse en a parlé. Il y avait été question de procédure accélérée, donnant ainsi l'impression que les droits de recours allaient être entravés. Or, en réalité, c'est une priorité. Donc, je comprends un peu mieux.
Je ne dis pas que c'est votre logique, mais trop souvent, il y a eu une politique qui consistait à faire du chiffre. Je ne dis pas que c'est votre cas, je comprends l'enjeu de pouvoir créer des espaces dans les centres Fedasil mais on sait que certaines personnes, dans ces publics-là, peuvent revenir très rapidement sur le sol belge. Je n'ai pas envie qu'on tombe, à quelques mois de la campagne, dans une volonté soudaine d'augmenter les chiffres de retour. Je le répète, je ne dis pas que c'est là votre position. Cela rejoint à nouveau mon propos précédent: OK, on peut accélérer ou prioriser certains publics ou certains pays d'origine qui ont de très faibles taux de reconnaissance. Je suis d'accord avec le fait que tout demandeur devrait, en fait, recevoir une réponse rapide pour dégager de l'espace dans les centres. Il me semble important d'envisager également les choses dans l'autre sens. Vous l'avez fait, ce sont les personnes qui attendent depuis trop longtemps, celles qui sont en long séjour et ont pu quitter les centres. C'est déjà une piste intéressante qui permet d'agir des deux côtés. Je continue à dire, avec la nuance des problèmes de logement public qui se posent en Wallonie, à Bruxelles et parfois aussi en Flandre, que nous devrions également sortir des centres les personnes qui ne pourront pas, quoi qu'il arrive, être rapatriées.
Je suis assez rassuré de voir que c'est une procédure de priorisation et pas une procédure accélérée qui entraverait les droits mais cela rejoint la question précédente: je crois qu'il faut aussi trouver des mesures structurelles au-delà de ces publics-là pour continuer à dégager et créer des places.
L'incident est clos.
Het incident is gesloten.
05.01 Simon Moutquin (Ecolo-Groen): Madame la secrétaire d'État, il y a deux ans, nous applaudissions tous et toutes les soignants pendant le covid. Nous étions tous chez nous, cloîtrés, stressés, et nous considérions à juste titre ces personnes comme des héros et héroïnes de cette lutte contre le covid. Nous l’avons peut-être parfois oublié trop tôt.
Parmi ces personnes, il y avait Abdoulaye Dieme, qui est assez incroyable. Il était technicien de surface dans un hôpital à Nivelles. Il a, pendant près de deux ans, récuré, nettoyé les moindres recoins d’un hôpital pour protéger le service médical et protéger les patients, les personnes qui venaient de lutter contre le covid dans l’hôpital.
C’est un collègue incroyable. J'étais à une action à Nivelles la semaine dernière avec ses collègues, avec la direction de l’hôpital de Nivelles. Tout le monde était unanime sur la bonté de cette personne, sur ses compétences, sur son savoir-vivre, sur le fait qu’il faisait partie de l’équipe de manière importante.
Le problème d’Abdoulaye Dieme, c’est qu'il est sans papiers, comme 112 000 autres personnes sans papiers, et qu’aujourd'hui, sa procédure est toujours en cours. Il s’agit d’une procédure de régularisation, dite 9bis.
Je sais que dans ces commissions, nous ne parlons pas de cas individuels. J’aurais voulu que nous soyons aujourd'hui plus nombreux à le dire, parce que si ma question vous est adressée, madame la secrétaire d'État, c'était surtout une réflexion pour les collègues.
Je pense qu’aujourd'hui, nous devons constater que nous sommes ridicules, collectivement, face à ces personnes que nous avons applaudies. Elles pourraient remédier aux pénuries, notamment dans le secteur médical. Nous savons que le secteur des soins infirmiers demande énormément de gens. Mais aussi les aides-soignants, les techniciens de surface, etc. Ces personnes sont sur le territoire. Elles ont, par ailleurs, travaillé, pendant deux ans, à essayer de nous sauver du covid. Pourtant, nous leur refusons un titre de séjour.
Cela pose de nouveau la question de ce lien entre permis unique et titre de séjour. Cela soulève de nombreuses questions que nous avons abordées dans cette commission.
Madame la secrétaire d'État, ne pensez-vous pas que, dans un dossier comme celui d’Abdoulaye Dieme, nous devons pouvoir trouver un consensus sur le fait qu’aux héros et héroïnes qui nous ont sauvés pendant des mois, nous devrions aujourd'hui pouvoir octroyer un titre de séjour et ceci, sur la base de secteurs qui sont en pénurie et qui crient leur demande pour avoir de l’aide.
C’est le cas non seulement des hôpitaux, mais aussi de l’horeca et de la construction. Je reprends toujours l’exemple d’un brasseur en Wallonie qui ne trouvait personne pour faire ses bières. Je peux retrouver l’exemple de mon coiffeur qui a failli fermer faute de personnel.
En fait, les gens sont là. Parfois, j’ai l’impression qu’à cause de polarisations politiques et de blocages politiques, nous passons à côté d’une opportunité qui, pourtant, est bien là.
05.02 Nicole de Moor, secrétaire d'État: L'objectif de parvenir à une politique migratoire humaine et juste, sans tabou, dans laquelle la migration aurait une place dans notre société, positivement et de manière contrôlée, est un objectif que, je pense, nous partageons.
Nous ne sommes, par contre, pas toujours d'accord sur la manière de l'atteindre. Si nous voulons éviter que des personnes s'embarquent sur des routes dangereuses, risquent leur vie en Méditerranée, empêcher les gens de se tourner vers le service de passeurs, nous ne pouvons pas non plus accepter une migration pour le travail qui prendrait le raccourci d'une entrée illégale sur notre territoire.
La procédure de régularisation humanitaire doit rester une procédure exceptionnelle pour les personnes les plus vulnérables qui ne remplissent pas les conditions légales des différentes voies de migration légales qui existent (la migration de travail, d'études, la procédure de protection internationale, le séjour pour raisons médicales, la procédure de regroupement familial).
Actuellement, il n'y a pas de délai moyen pour le traitement et la régularisation humanitaire mais 65 % des dossiers en cours de traitement sont traités depuis moins d'un an. L'arriéré des dossiers de régularisation à traiter a significativement baissé depuis un an.
Je suis consciente de la pénurie sur le marché du travail et c'est la raison pour laquelle rendre la procédure de migration économique plus rapide, efficace et transparente est une de mes priorités. Accepter une demande de permis unique à partir d'un séjour irrégulier en Belgique et cela sans que la personne impliquée ait suivi les procédures d'immigration légale équivaut à une régularisation sur la base du critère de travail et non pas humanitaire. Je suis convaincue que ce n'est pas la voie à suivre si on veut parvenir à une politique de migration plus humaine et plus juste.
05.03 Simon Moutquin (Ecolo-Groen): Je suis d'accord avec vous, je pense que les objectifs sont les mêmes. Vous dites qu'empêcher la régularisation est une manière d'empêcher des gens de prendre une route migratoire dangereuse. Je suis assez d'accord avec vous sur la route migratoire. Mais notre constat est que ces personnes prennent des routes illégales, dangereuses, mortelles parce qu'on manque de voies migratoires libres, sûres et légales. C'est tout le problème du Pacte migratoire européen qui, selon moi, a été créé pour sécuriser l'Europe. S'il n'y a pas de voies sûres et légales qui font aussi l'objet d'un pacte, si on n'a pas une vraie politique proactive où des gens – pas seulement pour des raisons économiques ou de travail mais pour des raisons de contexte socioéconomique –peuvent explorer l'idée de pouvoir migrer, peut-être pour un moment précis – c'est l'idée de la migration circulaire et il y a sûrement des choses à préparer à ce sujet – alors les gens continueront à emprunter des routes migratoires. C'était le cas dans le passé, c'est le cas aujourd'hui et ce sera le cas dans le futur. La migration est un phénomène historique et je suis persuadé que la solution se trouve peut-être entre nos points de vue et qu'il y a quelque chose à faire.
Peut-être que Abdoulaye Diémé, Divine N'Sunda, Billy Sacko ou d'autres personnes sans-papiers n'ont pas utilisé des voies légales et sont entrés de manière illégale. La réalité est qu'ils sont là parfois depuis plus de dix ans, qu'ils connaissent leur métier ou sont formés, qu'ils sont des voisins, des parents. Ils sont dans la société. Je suis d'accord que leur situation est illégale. Mais je prends toujours l'exemple, et j'inverse toujours la logique, avec ce qu'on fait sur l'amnistie fiscale. On a des personnes belges qui vont cacher de l'argent dans des paradis fiscaux et une fois par législature, on leur dit qu'ils peuvent ramener l'argent et on laisse tomber le fait qu'ils ont fait une activité illégale. Quand c'est pour des amnisties fiscales, on est d'accord de pouvoir faire une exception sur des choses qui ne sont pas légales et quand il s'agit d'êtres humains, on leur dit qu'ils sont rentrés de manière pas légale.
Je crois que ce sera un sujet de campagne ces prochains mois. J'espère que nous pourrons l'aborder de manière sereine et avec des positions différentes. J'espère surtout qu'on arrivera à trouver un compromis et une solution dans quelques mois parce que je pense qu'on parle de la vie de dizaines de milliers de personnes qu'on ne pourra pas expulser, ni pratiquement ni économiquement.
L'incident est clos.
Het incident is gesloten.
De voorzitter: Mevrouw de staatssecretaris, we zijn aan het einde van onze werkzaamheden gekomen. Bedankt voor de vlotte afhandeling. Ik sluit hierbij de vergadering.
De openbare commissievergadering wordt gesloten om 15.06 uur.
La réunion publique de commission est levée à 15 h 06.