Commissie voor Justitie

Commission de la Justice

 

van

 

Woensdag 23 oktober 2024

 

Namiddag

 

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du

 

Mercredi 23 octobre 2024

 

Après-midi

 

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La réunion publique de commission est ouverte à 14 h 11 et présidée par M. Jean-Luc Crucke.

De openbare commissievergadering wordt geopend om 14.11 uur en voorgezeten door de heer Jean-Luc Crucke.

 

01 Question de Hervé Cornillie à Annelies Verlinden (Intérieur, Réformes instit. et Renouveau démocratique) sur "L'état des lieux concernant le travail pénitentiaire en Belgique" (56000386C)

01 Vraag van Hervé Cornillie aan Annelies Verlinden (Binnenlandse Zaken en Institutionele Hervormingen en Democratische Vernieuwing) over "De stand van zaken met betrekking tot gevangenisarbeid in België" (56000386C)

 

01.01  Hervé Cornillie (MR): Monsieur le président, monsieur le ministre, dans le cadre de la politique pénitentiaire que nous voulons humaine, l’État fédéral a notamment investi dans de nombreuses prisons. Récemment, plusieurs d’entre nous avons eu l’occasion de visiter celle de Leuze-en-Hainaut, qui fêtait ses dix ans, et de prendre conscience de l’évolution tant du projet que de cet univers particulier.

 

Nous avons notamment visité les ateliers où le travail pénitentiaire est permis. Il contribue effectivement à ce que le détenu puisse développer des aptitudes sociales, professionnelles, à occuper le temps de détention de manière plus intelligente, plus positive, constructive. L’idée derrière est bien sûr une réinsertion durable dans la société, quand le temps du retour à la société, à la liberté, est annoncé.

 

Le travail carcéral se compose principalement de tâches domestiques, car on ne peut pas faire tout ce qu’on veut en prison, compte tenu des circonstances. Outre le nettoyage des communs et la distribution des repas, il y a la fabrication de matériel pénitentiaire. De plus, des ateliers de production fonctionnent pour le compte d'entreprises tierces. Cellmade, la Régie du travail pénitentiaire du SPF Justice, cherche des clients pour différents types de produits. C'est sur cette troisième facette que je souhaite faire le point aujourd'hui.

 

Monsieur le ministre, quel est le taux de détenus qui ont aujourd'hui la capacité de travailler intra-muros, dans le cadre de nos prisons? J’ai pris le cas de Leuze-en-Hainaut, mais c'était le prétexte de cette question.

 

Combien d'ateliers pénitentiaires gérés par Cellmade existent-ils en Belgique, et dans quelles prisons?

 

Comment l'indemnisation de ce travail fonctionne-t-elle? Tout travail mérite salaire, mais on sait aussi que les circonstances sont tout à fait particulières.

 

Certains évoquent la potentielle situation de concurrence déloyale au regard du marché du travail classique, voire même par rapport à d’autres opérateurs de l’économie sociale comme les entreprises de travail adapté.

 

Quel bilan tirez-vous en termes de réintégration, sur le marché de l’emploi, en lien avec l'expérience acquise au sein de ces projets par le travail en prison?

 

01.02  Paul Van Tigchelt, ministre: Monsieur le président, cher collègue, votre première question porte sur le taux de détenus qui ont la capacité de travailler. En moyenne, entre mi-2023 et mi-2024, 5 200 détenus sont chaque jour au travail ou en formation. C’est un taux assez élevé, sachant qu’on compte aujourd'hui plus de 12 000 détenus dans nos prisons. Je peux vous donner le détail, mais pour cela, je vous invite à me poser une question écrite.

 

Concernant votre deuxième question, Cellmade dispose d'ateliers entrepreneurs dans 34 établissements. En outre, elle a 25 ateliers de production; il s'agit, par exemple, d'ateliers de menuiserie, de boulangerie ou encore d'exploitation agricole. Je peux vous dire que le meilleur pain que j'ai jamais mangé venait de la prison de Hoogstraten. Étant fils d'un boulanger, je m'y connais bien en qualité de pain. Si vous souhaitez obtenir la liste complète des ateliers, je vous invite à me poser une question écrite.

 

S'agissant de votre troisième question, la règle générale détermine que les détenus sont gratifiés à la pièce sur la base d'une gratification horaire comprise entre 2,5 euros et 3 euros. Sur la base de leur rythme de travail, la gratification réelle sera généralement comprise entre 2 et 4 euros de l'heure.

 

Pour ce qui est de votre quatrième question, les entreprises de travail adapté et la Régie du travail pénitentiaire sont deux acteurs de l'économie sociale qui ont des objectifs d'intégration ou de réintégration sociale. Même si on parle ici de deux publics très différents, il est effectivement possible, comme vous le dites, que sur certains marchés, ces deux organismes soient en concurrence. Des réunions ont eu lieu entre les deux organismes afin qu'ils puissent mieux se connaître et débattre au sujet de leur réalité propre pour que chacun puisse agir en vue de cet objectif de réinsertion ou d'insertion dans le marché du travail.

 

Votre dernière question qui concerne le bilan (autrement dit, mesurer et savoir) est pertinente. À ma connaissance, aucune étude à ce sujet n'a été réalisée, mais le suivi post-pénitentiaire est une compétence des Communautés et Régions. Elles sont en principe les plus à même de vous répondre à ce sujet. Je n'ai donc pas de réponse à cette bonne question.

 

01.03  Hervé Cornillie (MR): Monsieur le ministre, je vous remercie pour ces éléments de réponse. J'espère qu'il ne me faudra pas commettre un délit pour manger le meilleur pain de Belgique. Je n'irai pas jusque-là.

 

Je continuerai à creuser ces informations à travers les questions écrites. Vous avez raison de me tendre la perche vu le caractère statistique de ces informations.

 

J'entends que des réunions sont tenues entre les deux départements. J'ai la faiblesse de penser qu'au plus on est à travailler dans ce pays, au mieux c'est pour tout le monde. Je ne vois pas directement le problème dans une forme de concurrence. Mais, en effet, on est face à des publics cibles avec des taux de rémunération particuliers. Si on peut lever les problèmes rencontrés sur le terrain par la collaboration et l'entente, autant le faire.

 

Quant au suivi de la réintégration, cette directrice à Leuze se plaignait effectivement de l'incapacité de voir comment ce résultat se traduisait une fois le détenu libéré. Vous me dites qu'il s'agit d'une compétence communautaire. Je demanderai donc à un de mes collègues communautaires d'approfondir cette question pour avoir une vue d'ensemble sur celle-ci.

 

L'incident est clos.

Het incident is gesloten.

 

02 Question de Pierre Jadoul à Paul Van Tigchelt (VPM Justice et Mer du Nord) sur "La généralisation des chambres de règlement à l'amiable" (56000389C)

02 Vraag van Pierre Jadoul aan Paul Van Tigchelt (VEM Justitie en Noordzee) over "De algemene invoering van de kamers voor minnelijke schikking" (56000389C)

 

02.01  Pierre Jadoul (MR): Monsieur le ministre, à partir du 1er janvier 2025, chaque tribunal de notre pays devra organiser une chambre de règlement à l'amiable (CRA). La loi du 19 décembre 2023 impose en effet la création de telles chambres dans toutes les juridictions civiles, commerciales et sociales.

 

Les CRA sont un mode alternatif de règlement des litiges. Concrètement, il s'agit d'une démarche volontaire et confidentielle au cours de laquelle les parties comparaissent devant un juge dans le but de trouver, avec l'aide de ce dernier, une solution à l'amiable au différend qui les oppose. Contrairement à une procédure contentieuse classique, il ne s'agit pas ici pour le juge de trancher le litige, mais au contraire de jouer le rôle de conciliateur. Il est ainsi chargé de rapprocher les positions des parties et de les guider dans la recherche d'une solution négociée. Il s'agit peut-être d'une manière d'exhumer la procédure de conciliation que j'ai pratiquée au barreau il y a un certain nombre d'années.

 

Les CRA ont plusieurs avantages: outre la limitation du coût de la procédure, la rapidité de la solution ainsi que sa confidentialité, c'est aussi une procédure plus humaine pour le justiciable. Ce dernier peut sans doute admettre plus facilement la sortie du litige par une solution à l'amiable. Enfin, les CRA permettent de désengorger les tribunaux de plaidoiries longues et parfois fastidieuses.

 

Dans les juridictions qui disposent déjà d'une CRA, environ 80 % des conciliations aboutissent à un accord. C'est ce qui a poussé le législateur à prévoir une instauration généralisée des CRA à partir du 1er janvier prochain.

 

Monsieur le ministre, l'ensemble des juridictions concernées de notre pays seront-elles prêtes au 1er janvier prochain? Toutes les chambres de règlement à l'amiable sont-elles déjà mises sur pied?

 

Comment cela sera-t-il mis en œuvre? Avez-vous déjà des retours du terrain, positifs ou négatifs? D'éventuelles difficultés se sont-elles posées dans les juridictions? Les moyens mis à leur disposition sont-ils suffisants?

 

Comment allez-vous vérifier que les CRA ont bien été mises en place au 1er janvier 2025?

 

02.02  Paul Van Tigchelt, ministre: Cher collègue, je vous remercie pour ces très bonnes questions.

 

Ainsi que vous l’avez souligné à juste titre, les chambres de règlement amiable (CRA) – en néerlandais Kamers voor minnelijke schikking (KMS) – présentent de nombreux avantages. Par la loi du 19 décembre 2023, le législateur et le ministre de la Justice ont voulu exprimer leur ambition d’étendre ces chambres à toutes les juridictions du royaume. Comme vous le savez, elles étaient auparavant limitées au tribunal de la famille, hormis quelques projets pilotes particulièrement prometteurs dans certaines juridictions, notamment auprès du tribunal de l’entreprise francophone ainsi qu’à la cour d’appel de Bruxelles, dont nous nous sommes d’ailleurs inspirés.

 

La création de chambres de règlement amiable ne sera obligatoire dans tous les tribunaux et cours qu’à partir du 1er septembre 2025, et non à partir du 1er janvier 2025. À cet égard, je me réfère à l’article 90 de la loi. Il est dès lors quelque peu prématuré de s’enquérir de la mise en place effective de ces chambres au sein des différentes juridictions. J’ai néanmoins pris contact avec le Collège des cours et tribunaux, qui m’a fait savoir que toutes les juridictions du pays se sont déjà mises au travail afin de s’y préparer.

 

Le Collège des cours et tribunaux facilitera une concertation avec les deux ordres – l’Ordre des barreaux flamands (OVB) et l’Ordre des barreaux francophones et germanophone de Belgique (OBFG) – afin de parvenir à des propositions concrètes de méthodologie réalisable et de bonnes approches pour la mise en œuvre de la loi, toujours sous réserve de la compétence des chefs de corps locaux qui consiste à réglementer davantage les chambres de règlement amiable dans leurs juridictions, en concertation avec l’association locale du barreau.

 

Dans quelques mois, nous disposerons peut-être d’un aperçu plus clair de la situation et des éventuelles difficultés rencontrées sur le terrain. Par ailleurs, l’Institut de formation judiciaire organise déjà de nombreuses formations – il s’agit là d’un élément important – à destination des magistrats appelés à siéger au sein de telles chambres.

 

Tout est donc mis en œuvre afin que la loi soit effectivement appliquée au moment voulu. Je ne doute pas que le prochain ministre de la Justice aura à cœur de s’assurer de la création et du bon fonctionnement de ces chambres, probablement à partir de l’année prochaine.

 

02.03  Pierre Jadoul (MR): Monsieur le ministre, je vous remercie vivement pour les informations que vous me communiquez. Je me réjouis que ce point soit déjà inscrit à l'agenda des cours et tribunaux et qu'un regard attentif soit porté sur cette situation, d'autant plus qu'une collaboration est établie avec les barreaux. En effet, une telle procédure ne pourra recueillir un franc succès que si les acteurs de terrain sont consultés. À cet égard, avec ma casquette d'avocat, je plaide pour que cette concertation ait bien lieu en temps et en heure, au lieu de passer par l'imposition d'un régime strict et unique.

 

L'incident est clos.

Het incident is gesloten.

 

03 Questions jointes de

- Jean-Luc Crucke à Paul Van Tigchelt (VPM Justice et Mer du Nord) sur "Le recouvrement des amendes pénales en Belgique" (56000400C)

- François De Smet à Paul Van Tigchelt (VPM Justice et Mer du Nord) sur "Le taux de recouvrement des amendes pénales" (56000423C)

03 Samengevoegde vragen van

- Jean-Luc Crucke aan Paul Van Tigchelt (VEM Justitie en Noordzee) over "De invordering van penale boetes in België" (56000400C)

- François De Smet aan Paul Van Tigchelt (VEM Justitie en Noordzee) over "Het invorderingspercentage met betrekking tot de penale boetes" (56000423C)

 

03.01  Jean-Luc Crucke (Les Engagés): Monsieur le ministre, L'Echo rapporte que le taux de recouvrement des amendes pénales en Belgique est, certes, en hausse. Cependant, 918 millions d'euros n'ont toujours pas été recouvrés. Vous avez annoncé un plan d'action à ce sujet. En comparaison, la récupération des amendes routières via Crossborder semble bien fonctionner, puisque 90 % d'entre elles sont encaissées.

 

Une autre information concerne le recouvrement des confiscations dans le cadre d'affaires criminelles assez graves. Non seulement, la récupération est très faible, mais, de plus, aucune statistique ne semble avoir été établie.

 

Monsieur le ministre, quelle lecture faites-vous de cette situation? Comment l'expliquez-vous? Comment justifier une telle différence entre un système tel que Crossborder qui fonctionne bien et un autre qui ne fonctionne pas? Pourquoi une telle différence entre le tribunal de police et le tribunal correctionnel? Se justifie-t-elle? Des mesures précises doivent-elles être prises? Si oui, lesquelles? Comment expliquer aussi le faible taux de recouvrement des confiscations? Pour quelle raison aucune référence statistique n'a-t-elle pu être établie? Enfin, s'agissant du plan d'action, quels en sont les principaux axes et quelle en est la plus-value au regard d'une situation assurément difficile, mais qui, restons positifs, pourrait s'améliorer?

 

03.02  François De Smet (DéFI): Monsieur le ministre, si on en croit les informations du SPF Finances en date du 30 septembre dernier, seuls 797 millions d'euros auraient été encaissés par l'État ces cinq dernières années sur un total de 1,72 milliard d'euros, soit un manque à gagner de 918 millions et un taux d’encaissement de seulement 46 %. Même si ce taux est en légère amélioration, ce ne sont donc pas moins de 200 millions d'euros qui échappent chaque année au Trésor belge, soit près de 10 % du budget de la Justice.

 

Ce manque d’efficacité en termes de recouvrement des amendes pénales est relevé de manière méthodique par la Cour des comptes année après année. Il y a pourtant des besoins criants dans bon nombre de domaines d'action publique dont les matières régaliennes. Ces chiffres sont préoccupants car ils peuvent plaider en faveur d'une forme d'indifférence de l'État à l'égard de la récupération d'argent public. Cela affecte la confiance du citoyen. Je sais bien que cette indifférence n'est pas la réalité et que vous avez mentionné un plan pour arriver à recouvrer cet argent.

 

En conséquence, monsieur le ministre, quel plan concret sera-t-il mis sur pied afin d’augmenter de manière significative ce taux de recouvrement qui reste problématique?

 

03.03  Paul Van Tigchelt, ministre: Chers collègues, une justice crédible, c'est une justice qui exécute ses propres peines. Vous avez raison de dire que l'impunité n'est pas acceptable.

 

La perception et le recouvrement des amendes pénales relèvent de la compétence du ministre des Finances et sont une mission de l'Administration générale de la Perception et du Recouvrement.

 

Je reconnais bien sûr qu'il y a encore beaucoup de progrès à faire puisque 30 % seulement des amendes pénales ont été payées en 2022. Comme vous l'avez mentionné, un plan d'action visant à améliorer l'exécution des peines pécuniaires est en cours d'élaboration en collaboration avec les différents acteurs impliqués dans cette chaîne. Je vous donne les grandes lignes de ce plan d'action mais je suis toujours prêt à en discuter plus en détail.

 

La différence dans le recouvrement des amendes entre les tribunaux de police et les tribunaux correctionnels s'explique par le fait que, pour les amendes pénales prononcées par les autres tribunaux, les mesures de recouvrement s'avèrent plus compliquées à mettre en œuvre car les condamnations sont plus sévères et le profil des condamnés est différent.

 

L'article de presse de L'Echo met en évidence le fait que le recouvrement est extrêmement faible. Comme je l'ai déjà expliqué, les affaires correctionnelles sont plus complexes. Les criminels font souvent tout pour dissimuler leurs avoirs ou pour se faire passer pour insolvables. C'est la réalité. C'est pourquoi nous investissons de plus en plus dans les enquêtes d'exécution des peines en nous focalisant sur les enquêtes visant à retracer et à récupérer les avoirs financiers.

 

À cette fin, un total de six substituts fiscaux ont été recrutés pour venir renforcer le parquet et six substituts "PG" pour renforcer les parquets généraux. En outre, ont été recrutés quatorze experts ainsi que six personnes "SAG" du support administratif, même si des progrès sont encore à réaliser dans ce domaine, dixit Europol.

 

J'en viens aux grandes lignes du plan d'action. Le plan se concentre sur les points suivants: l'application de l'ordre de paiement pour les petites affaires correctionnelles (nous avons adapté la législation pour la faciliter); la numérisation et l'échange d'informations ainsi qu'une approche plus structurée des dossiers; l'extension de la possibilité de saisies par la douane et la police en cas d'amende impayée; un règlement concernant des plans de remboursement réalisables et une meilleure assistance personnelle pour les questions relatives aux demandes de paiement, aux délais ainsi qu'aux conséquences éventuelles en cas de non-paiement.

 

Par ailleurs, nous voulons améliorer le fonctionnement de l'Organe Central pour la Saisie et la Confiscation (OCSC). Enfin, le plan d'action vise à promouvoir davantage les dossiers d'enquête d'exécution des peines. Comme je l'ai déjà dit, nous investissons dans ces enquêtes au sein des parquets.

 

La mise en œuvre de ce plan d'action constitue un projet pluriannuel. Ayant débuté cette année, il se poursuivra en 2025 et 2026. Nous pouvons en discuter en détail si vous le souhaitez.

 

En ce qui concerne le système Crossborder, la plateforme des amendes est actuellement utilisée pour les perceptions et transactions immédiates, les certificats de sanction pécuniaire de l'Union européenne et les ordres de paiement des infractions routières et correctionnelles.

 

Dans le plan d’action, il est examiné s’il est possible de l’utiliser pour le traitement des amendes correctionnelles. Comme vous le savez, la plateforme Crossborder pour les infractions routières fonctionne bien. Là, il y a un recouvrement de plus de 90 % des amendes.

 

Pour ce qui est des budgets, un financement structurel est proposé afin de pouvoir mettre en œuvre le plan et ce, en partant du principe qu’il y aura un retour certainement partiel des recettes.

 

03.04  Jean-Luc Crucke (Les Engagés): Monsieur le ministre, vous confirmez les chiffres qui ont été cités par la presse. À l’heure où l’argent public se fait rare, il doit être compté. Il ne pourrait pas être acceptable que ceux qui coûtent à la société en termes de justice n’assument pas ensuite leurs responsabilités.

 

Un taux de 30 %, c’est un taux faible. Il y a un plan; effectivement, c’est mieux que rien. Mais les solutions se trouvent sans doute autant en amont qu’en aval. La comparaison avec Crossborder vaut la peine d’être étudiée, à mon avis.

 

Il serait en effet intéressant d’avoir le détail des mesures que vous avez évoquées, mais cela demanderait plus de temps que celui consacré à une question orale. La numérisation doit sans doute être un des vecteurs sur lesquels nous pouvons mieux travailler.

 

03.05  François De Smet (DéFI): Monsieur le ministre, je vous remercie. Nous ferons le suivi du fameux plan d’action. C’est en effet mieux que rien. Il n’est pas acceptable qu’il semble si facile à certains d’échapper à leurs obligations.

 

L'incident est clos.

Het incident is gesloten.

 

04 Questions jointes de

- Jean-Luc Crucke à Paul Van Tigchelt (VPM Justice et Mer du Nord) sur "L'explosion des frais de justice" (56000460C)

- Pierre Jadoul à Paul Van Tigchelt (VPM Justice et Mer du Nord) sur "Le courrier du SPF Justice à propos de la limitation des frais de justice" (56000568C)

04 Samengevoegde vragen van

- Jean-Luc Crucke aan Paul Van Tigchelt (VEM Justitie en Noordzee) over "De gerechtskostenexplosie" (56000460C)

- Pierre Jadoul aan Paul Van Tigchelt (VEM Justitie en Noordzee) over "De brief van de FOD Justitie over het beperken van de gerechtskosten" (56000568C)

 

04.01  Jean-Luc Crucke (Les Engagés): Monsieur le ministre, selon la presse, les frais de justice auraient explosé entre 2000 et 2023, passant de 81 millions d'euros à 125 millions, et l'exercice 2024 connaîtrait un dépassement de 23 millions d'euros!

 

Certes, il y a eu de grands procès mais il semblerait que la cause soit essentiellement située dans les frais de traduction et d'interprétation.

 

Confirmez-vous les faits et l'ampleur du dérapage? Quelles mesures ont été prises en réaction? S'il n'y en a pas eu, pourquoi?

 

Pouvez-vous nous fournir un détail concernant ce dérapage?

 

Quand avez-vous été informé de la gravité de la situation?

 

Il semble qu'une directive européenne impose la traduction de la totalité des pièces du dossier. Si c'est le cas, la Belgique doit-elle exécuter cette directive telle quelle? Ou bien y a-t-il une possibilité de moduler cette obligation?

 

Quel avis a été rendu par l'Inspection des finances et l'administration?

 

04.02  Pierre Jadoul (MR): Monsieur le ministre, un courrier a effectivement suscité un certain émoi dans les cours et tribunaux, qui ont été invités à faire preuve de frugalité et d'un meilleur contrôle des dépenses par le SPF Justice. Les représentants de l'ordre judiciaire ont, semble-t-il, accueilli froidement ce courrier de l'administration. Cela représente une entaille, selon eux, à la séparation des pouvoirs. Ce serait à l'exécutif de mettre à disposition de la justice les budgets nécessaires. Enfin, pour les cours et tribunaux, toute la gestion des frais de justice serait entre les mains du SPF et l'ordre judiciaire n'aurait pas de vues sur cette gestion.

 

Comment réagissez-vous à ce courrier envoyé par le SPF Justice aux cours et tribunaux? Avez-vous été à l'initiative de ce courrier? À défaut, cet envoi était-il, selon vous, justifié?

 

Comprenez-vous la réaction de l'ordre judiciaire et l'émoi que cela a suscité? Comment envisagez-vous de réguler les frais de justice pour que le budget reste sous contrôle? Quelles sont éventuellement les lignes prioritaires de cette régulation?

 

04.03  Paul Van Tigchelt, ministre: Chers collègues Crucke et Jadoul, le dossier des frais de justice est illustratif de l'équilibre délicat qu'il faut toujours trouver entre l'indépendance du pouvoir judiciaire et une bonne gestion du budget. Les dépenses liées aux frais de justice ont effectivement augmenté ces dernières années. Cette augmentation peut en partie s'expliquer par l'indexation des tarifs en 2023. Il y a eu une indexation de plus de 11 % vu la crise énergétique de 2022. Pour la période 2020-2024, l'indexation totale s'élève à presque 19 %.

 

Les augmentations les plus importantes sont constatées dans les frais liés aux traducteurs et interprètes, aux analyses toxicologiques, aux tests ADN, aux examens psychiatriques et à la médecine légale. En outre, vous savez que la justice a été confrontée à des procès importants, par exemple celui des attentats du 22 mars 2016. C'est un procès qui a duré des mois et qui nous a coûté beaucoup d'argent. Le succès de la lutte contre la criminalité organisée fait également augmenter les frais de justice. Nous avons plus de 12 000 détenus dans les prisons et la moitié d'entre eux sont incarcérés pour des délits liés aux faits de drogue.

 

Mon administration n'a pas d'impact sur les différents frais de justice car ceux-ci sont engagés pour le compte de l'ordre judiciaire, dans le cadre des enquêtes judiciaires. Mais afin de garder les frais de justice sous contrôle avec les effets d'indexation, nous avons collaboré avec le SPF BOSA au cours de la dernière législature par le biais de ce que l'on appelle une spending review des frais de justice et d'un audit réalisé par l'intermédiaire du Service fédéral d'audit interne (FAI), qui dépend de la Chancellerie. À l'issue de cet audit, les auditeurs fédéraux ont attiré l'attention de mon administration sur le fait qu'il fallait veiller à ne payer les frais de justice que pour des dépenses justifiées par une base légale.

 

Suite à l'augmentation des frais de justice et à l'audit, des mesures d'urgence ont été prises en septembre. Les mesures d'économie sont toujours délicates – vu ce que j'ai dit au début – mais indispensables. En outre, par le biais de réallocations au sein du budget du SPF Justice, les crédits supplémentaires nécessaires ont été recherchés pour compenser le déficit pour 2024. Le déficit estimé est donc porté à 1,5 million d'euros. Ces réallocations ont été approuvées par le Conseil des ministres le vendredi 18 octobre 2024. Elles seront prochainement soumises au Parlement.

 

04.04  Jean-Luc Crucke (Les Engagés): Je vous remercie monsieur le ministre. Je retiens quatre éléments de votre réponse.

 

Nous avons premièrement l'élément relatif à l'indexation, ce que nous pouvons évidemment comprendre.

 

Ensuite, il y a l'équilibre à trouver entre l'administration et les besoins de la justice. Je pense effectivement que l'autonomie doit être respectée mais, dans le même temps, vous êtes appelé à devoir maîtriser les éléments budgétaires. Je peux donc comprendre que l'équilibre n'est pas toujours facile à trouver.

 

Troisièmement, vous avez évoqué la méthode du spending review. Il s'agit d'une belle méthode mais elle impose évidemment une concertation avec l'ensemble des acteurs, en ce compris les acteurs de la justice. Il serait peut être intéressant d'avoir plus d'explications sur ce que ça a donné et sur l'engagement des uns et des autres pour maîtriser ces dépenses.

 

Vous avez finalement parlé de la réallocation. C'est une bonne chose qu'elle soit intervenue mais ce n'est jamais qu'a posteriori. C'est d'ailleurs pour ça qu'il faudrait trouver des solutions plus pérennes à l'avenir.

 

04.05  Pierre Jadoul (MR): Je remercie aussi monsieur le ministre, pour les éléments de réponse qu'il a évoqués. Il y a, me semble-t-il, des éléments dans la masse des frais qui sont plus ou moins importants et qui pèsent plus ou moins lourd. J'en ai un écho par le canal du monde judiciaire selon lequel, lors d'un procès d'assises, les jurés ne sont plus autorisés aujourd'hui à aller manger au mess de la magistrature.

 

Il faut penser à un traitement humain des jurés. Des procès d'assises sont, certes, plus longs que d'autres, mais des égards doivent être manifestés auprès de plusieurs acteurs, à moins que d'autres décisions ne soient prises. En tout cas, ce n'est pas à nous de le faire ici.

 

L'incident est clos.

Het incident is gesloten.

 

05 Question de François De Smet à Paul Van Tigchelt (VPM Justice et Mer du Nord) sur "La situation préoccupante de la prison de Haren" (56000519C)

05 Vraag van François De Smet aan Paul Van Tigchelt (VEM Justitie en Noordzee) over "De zorgwekkende situatie in de gevangenis te Haren" (56000519C)

 

05.01  François De Smet (DéFI): Monsieur le ministre, il me revient par voie de presse, mais également à travers certains contacts, que la situation au sein de la prison de Haren s’avère préoccupante sur le plan de la sécurité des agents pénitentiaires, mais aussi en raison d'un manque de personnel et de procédure d'encadrement.

 

Outre que le ratio serait d’un seul agent affecté pour la surveillance de 34 détenus, à ce sous-effectif (150 agents manqueraient, selon les syndicats) s’ajoute le manque de matériel de protection et de sécurité pour ces agents, sans parler d’un absentéisme grandissant au sein du personnel pénitentiaire. Rappelons que la prison de Haren a déjà atteint sa capacité maximale, à tel point que, depuis le 15 août, les nouveaux écrous se font à la prison de Saint-Gilles – qui devrait pourtant fermer à la fin de l'année.

 

Par ailleurs, s'agissant de la formation du personnel, ce sont désormais le plus souvent de jeunes agents peu expérimentés qui sont confrontés aux détenus, avec les risques de dérives et d’insécurité que cela peut engendrer.

 

Enfin, les équipes d’intervention (dites SICAR) se plaignent de travailler sans procédure réglementaire ni statut spécifique; ce qui devrait faire l’objet à tout le moins d’une circulaire du SPF Justice. Il en résulte donc une situation tendue qui peut mener à une recrudescence d’agressions envers le personnel et à une dégradation générale du climat de sécurité au sein de l’établissement.

 

En conséquence, monsieur le ministre, avez-vous déjà pris connaissance de ce problème structurel d’insécurité au sein de la prison de Haren? Des efforts d’engagement et de formation du personnel seront-ils intensifiés? Comptez-vous prendre une initiative afin d’assurer un statut aux équipes d’intervention SICAR et d'élaborer un cadre légal pour les procédures d’interventions sans costumes?

 

05.02  Paul Van Tigchelt, ministre: Monsieur De Smet, la problématique de la prison de Haren est connue et a encore été évoquée lors du débat d’actualité en commission de la Justice le 18 septembre, si mon souvenir est correct.

 

En un mois, la situation n’a forcément pas pu évoluer énormément mais je vous rappelle que je soulignais à cette occasion de nombreux recrutements à venir, avec pas moins de 258 personnes. J’annonçais qu’une campagne spécifique de recrutement serait effectuée pour cet établissement. Il y a là vraiment un déficit de personnel bien formé.

 

En ce qui concerne la formation, comme déjà expliqué aussi le 18 septembre, l’arriéré est progressivement résorbé. À partir de novembre, trois groupes francophones – au lieu de deux – de 15 nouveaux collaborateurs par groupe, commenceront à suivre le module d’introduction de 17 jours.

 

Quant aux équipes d’intervention, l’équipe d’intervention compte actuellement 28 personnes. Sur les 28 personnes, 24 ont déjà reçu une formation spécifique intégrée dans le modèle en cinq phases utilisé dans toutes les prisons belges. Il s’agit d’un modèle visant à désamorcer les conflits, principalement par le biais de techniques de communication. Ce n’est qu’en cas d’escalade d’un conflit et d’agression ou de menace physique que l’intervention physique du personnel entre en jeu.

 

Enfin, quant au cadre légal, il est bien présent via des directives spécifiques liées aux fouilles, aux mesures coercitives et au matériel d’intervention. La formation spécifique insiste également sur les principes du droit pénal relatifs à la légitime défense et à la proportionnalité.

 

05.03  François De Smet (DéFI): Merci, monsieur le ministre, pour votre réponse. Je voudrais juste insister sur le fait que les signaux qui nous parviennent par des membres du personnel sont alarmants et nous font vraiment craindre la possibilité d'incidents et de débordements à court terme.

 

Je prends bonne note des réponses et des efforts mis en place, en espérant que ceux-ci portent leurs fruits le plus rapidement possible.

 

L'incident est clos.

Het incident is gesloten.

 

06 Question de Sarah Schlitz à Paul Van Tigchelt (VPM Justice et Mer du Nord) sur "L'avenir de la prison de Saint-Gilles" (56000348C)

06 Vraag van Sarah Schlitz aan Paul Van Tigchelt (VEM Justitie en Noordzee) over "De toekomst van de gevangenis van Sint-Gillis" (56000348C)

 

06.01  Sarah Schlitz (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, ma question porte en effet sur l'avenir de la prison de Saint-Gilles. Nous en avons déjà parlé ici: il était prévu que les trois prisons bruxelloises, dont celle de Saint-Gilles, fermeraient avec l'ouverture de celle de Haren. Pourtant, près de deux ans après l’ouverture de Haren, la prison de Saint-Gilles continue d'accueillir un nombre important de détenus. Une note récente indique que les hommes condamnés à des peines de trois ans ou moins y seront incarcérés pour mieux répartir la population carcérale. Nous nous interrogeons donc sur l'avenir de cet établissement.

 

Monsieur le ministre, combien de personnes sont-elles actuellement incarcérées à Saint-Gilles?

 

La prison fermera-t-elle comme prévu à la fin de 2024, et si oui, quand précisément? Où seront transférés les détenus?

 

Est-il toujours prévu d'y incarcérer uniquement les personnes sans titre de séjour, comme le mentionnent les rapports du Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP) et de la commission de surveillance?

 

Quelles mesures seront-elles prises pour éviter les problèmes relevés à la prison de Tongres dans l’accueil de ce public?

 

En cas de maintien de la prison, des travaux sont-ils prévus pour améliorer les conditions de détention jugées insalubres?

 

Des contacts avec les entités fédérées ont-ils été établis pour renforcer les services externes qui devront désormais intervenir dans deux établissements?

 

06.02  Paul Van Tigchelt, ministre: Chère collègue Schlitz, lundi, la prison de Saint-Gilles comptait une population de 502 détenus.

 

Pour l'instant, aucune décision définitive n'a été prise quant à la date de fermeture. Il appartient donc au prochain gouvernement de prendre cette décision et de mettre à disposition les budgets nécessaires à cette fin. Je pense pouvoir dire que nous avons besoin de toute la capacité pour avoir suffisamment de places pour tous les détenus.

 

Votre troisième question porte sur les personnes sans titre de séjour. La prison de Saint-Gilles accueille principalement des condamnés à des peines de prison de trois ans ou moins qui ne se trouvent pas dans les conditions pour pouvoir purger leur peine dans une maison de détention. Il se fait qu'une part importante de ces détenus n'ont pas droit au séjour, mais ce n'est en aucun cas le critère déterminant pour adresser un détenu à Saint-Gilles. Nous dénombrons plus de 12 000 détenus en Belgique, dont près de 4 000 sont des sans-papiers.

 

En ce qui concerne votre quatrième question, la prison n’est pas réservée aux détenus sans droit de séjour. Dès lors, votre question me semble sans fondement, étant donné que le parallèle avec la prison de Tongres n’est pas présent.

 

Votre cinquième question portait sur l’entretien de la prison. Cet entretien n’a jamais été interrompu, et seuls les gros investissements se projetant sur plusieurs années sont mis de côté.

 

Enfin, pour répondre à votre sixième question, des contacts réguliers sont établis avec les services communautaires afin de les tenir informés de l’évolution de la situation et d’assurer la fourniture d’une assistance et de services en suffisance.

 

06.03  Sarah Schlitz (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses, qui nous apportent des précisions quant à certains éléments qui nous avaient été transmis.

 

De manière plus générale, nous voyons quand même à quel point la politique carcérale belge est un échec et, d’une part, entraîne des dépenses colossales pour l’État et, d’autre part, est totalement inefficace. En effet, les taux de récidive sont particulièrement élevés, de sorte qu’il est grand temps d’investir dans la prévention, la lutte contre la récidive, mais aussi les peines alternatives et la réinsertion des détenus. Cela devrait être une priorité du prochain gouvernement, au lieu d’investir dans des conteneurs flottants afin d’enfermer encore plus de monde.

 

L'incident est clos.

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07 Question de Sarah Schlitz à Paul Van Tigchelt (VPM Justice et Mer du Nord) sur "L'état de nos infrastructures judiciaires" (56000349C)

07 Vraag van Sarah Schlitz aan Paul Van Tigchelt (VEM Justitie en Noordzee) over "De toestand van onze gerechtelijke infrastructuur" (56000349C)

 

07.01  Sarah Schlitz (Ecolo-Groen): Le 4 septembre 2024, la Cour d'assises du Hainaut a déclaré irrecevables les poursuites contre un accusé – il fût pendant 17 ans un most wanted belge – en raison de la détérioration des pièces à conviction et du dossier répressif. Ce scandale révèle l'état alarmant de nos infrastructures judiciaires, avec des locaux insalubres et des dossiers irrémédiablement endommagés. La justice se retrouve dans l'incapacité de garantir un procès équitable au détriment des victimes et des accusés.

 

Dans le Brabant wallon, la présidente du tribunal de première instance a lancé l'alerte, le 6 septembre dernier, au sujet de la dangerosité de son bâtiment, menaçant la sécurité de tous.

 

À Namur, le nouveau Palais de Justice, inauguré en mars 2024, sera encore inutilisable jusqu'en 2025, faute d'avoir anticipé l'achat du mobilier et du câblage informatique. Ces retards administratifs et le manque d'investissements ne cessent de compromettre le bon fonctionnement de notre système judiciaire.

 

Monsieur le ministre, quelles mesures urgentes comptez-vous prendre pour assurer la salubrité de nos infrastructures judiciaires et rétablir une justice digne de ce nom? Envisagez-vous des investissements supplémentaires pour garantir que la justice soit à la hauteur d'un État de droit?

 

07.02  Paul Van Tigchelt, ministre: Chère collègue Schlitz, l'objet de votre question rejoint les questions déjà posées par madame Dillen lors de la commission du 18 septembre et par monsieur De Smet lors de la commission du 2 octobre.

 

En ce qui concerne les questions spécifiques par rapport au Palais de Justice de Mons, je renvoie à mes réponses antérieures.

 

Je tiens à préciser que le SPF Justice est uniquement responsable de la gestion quotidienne des bâtiments. Tout ce qui concerne leur construction et rénovation relève des compétences de la Régie des Bâtiments.

 

Le SPF Justice souhaite toutefois gérer plus efficacement la conservation des archives et des pièces à conviction en les centralisant dans un nombre limité de sites où les infrastructures sont parfaitement adaptées à une bonne conservation. Ces sites doivent bénéficier de conditions environnementales et de sécurité adéquates. Pour ce faire, le SPF dépend à nouveau ici de la Régie.

 

Toujours est-il que la loi sur la digitalisation d'avril 2024 prévoit également la numérisation des archives. Les règles de conservation ont été clarifiées et adaptées en concertation – c'est important – avec les archives de l'État et des projets pilotes sont en cours, notamment pour les archives du parquet d'Anvers.

 

Comme je l'ai déjà dit, d'énormes investissements supplémentaires seront nécessaires; et ce, à un rythme beaucoup plus soutenu que celui qui a été adopté jusqu'à présent, mais il faudra aussi changer de méthode de travail. En effet, il y a beaucoup trop de bâtiments, si bien qu'il est tout simplement impossible de les gérer efficacement et de les maintenir en bon état. Or, comme vous le savez, en cette période d'affaires courantes, je ne peux pas prendre de nouvelles initiatives.

 

07.03  Sarah Schlitz (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse très claire. Il ne nous reste plus qu'à espérer que des oreilles attentives impliquées dans les négociations gouvernementales aient perçu l'urgence de ces pistes d'investissement. Je vous remercie.

 

L'incident est clos.

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Président: Pierre Jadoul.

Voorzitter: Pierre Jadoul.

 

08 Question de Jean-Luc Crucke à Paul Van Tigchelt (VPM Justice et Mer du Nord) sur "La lutte contre l’antisémitisme" (56000506C)

08 Vraag van Jean-Luc Crucke aan Paul Van Tigchelt (VEM Justitie en Noordzee) over "De strijd tegen het antisemitisme" (56000506C)

 

08.01  Jean-Luc Crucke (Les Engagés): Monsieur le ministre, le conflit au Moyen-Orient a, nonobstant le souhait de l'ensemble des démocrates de ne pas l'importer sur notre territoire, malgré tout un certain nombre de répercussions dans notre pays.

 

Je souhaiterais aujourd'hui vous questionner sur l'antisémitisme et les signalements y relatifs, qui sont malheureusement fortement en hausse. Dans la communauté juive, beaucoup n'osent plus dire qu'ils sont d'origine juive par peur de représailles.

 

Un certain nombre de critiques sont formulées à l'égard des institutions belges comme Unia ou le Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Xénophobie (MRAX), non pas pour de l'indifférence, mais un certain laxisme. Dans ce cadre, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), qui est un organisme français, a décidé de créer une section belge.

 

Quel est votre positionnement par rapport à la création de cette section belge de la LICRA? Des contacts ont-ils été pris avec la LICRA, mais aussi avec Unia? Avez-vous réuni tout le monde autour d'une table afin de réfléchir à un meilleur fonctionnement ou à une collaboration?

 

Une évaluation a-t-elle été faite des politiques actuelles de lutte contre le racisme et l'antisémitisme en Belgique? En particulier, le cadre législatif actuel est-il adéquat dans de telles situations de crise? Je pense que, malheureusement, cette situation ne va pas s'estomper rapidement et que nous risquons encore de connaître des effets indirects très difficiles pour la communauté juive. Faudrait-il renforcer la législation contre l'antisémitisme?

 

08.02  Paul Van Tigchelt, ministre: Monsieur Crucke, les rapports de nos services de sécurité font en effet état d'une augmentation du nombre d'incidents antisémites ainsi que du nombre de menaces motivées par des raisons antisémites. J'ai rencontré à plusieurs reprises la communauté juive à ce propos au cours des derniers mois ainsi que nos magistrats référents en matière de racisme et d'antisémitisme. Nos directives en ce domaine ont été renforcées. L'antisémitisme est inadmissible, je pense que nous sommes tous d'accord.

 

J'ai répondu à des questions à ce sujet en séance plénière jeudi dernier. À cette occasion, j'ai indiqué que plusieurs individus avaient été arrêtés ces derniers mois pour avoir menacé de commettre des violences antisémites. Nos services sont vigilants et ne laissent rien au hasard.

 

Pour votre première question, je dois vous renvoyer vers ma collègue la secrétaire d'État à l'Égalité des genres, à l'Égalité des chances et à la Diversité, qui est compétente en la matière. Cela dit, je puis vous indiquer que le cadre législatif a été renforcé. Pour rappel, le nouveau Code pénal entrera en vigueur le 8 avril 2026. En outre, pour certaines infractions telles que des actes de violence, il prévoit que le mobile discriminatoire est considéré comme une circonstance aggravante. S'agissant de toutes les autres infractions, ce même mobile pourra toujours être considéré comme un facteur aggravant qui sera pris en considération par le juge au moment de déterminer la peine à appliquer, sans toutefois passer à une peine supérieure. Ainsi, le nouveau Code pénal simplifiera la tâche du juge pour déterminer la peine applicable.

 

Outre le Code pénal, de multiples législations fédérales, communautaires et régionales telles que les lois antiracisme et anti-discrimination, contre le négationnisme notamment, comportent des dispositions interdisant diverses formes de discrimination et permettent de lutter contre ces dernières. D'autres initiatives ont également été prises pour renforcer notre politique. La nouvelle circulaire a ainsi été adoptée le 25 janvier et a été conçue comme un outil complet visant à uniformiser la politique de lutte judiciaire contre l'antisémitisme. Elle contient également des directives relatives à l'enregistrement des dossiers – c'est une nouveauté – tant au sein des services de police que des parquets et vise donc à remédier à l'absence de statistiques officielles sur le phénomène de l'antisémitisme.

 

En outre, vous savez que nous avons instauré un mécanisme de coordination interfédéral de lutte contre l'antisémitisme. Ce mécanisme regroupe pour la première fois des représentants des différentes administrations et gouvernements ainsi que des organisations juives belges et des associations luttant contre l'antisémitisme. Son objectif est clair: combattre l'antisémitisme de manière cohérente et coordonnée à l'échelle nationale.

 

Pour tout complément d'information, je vous renvoie à nouveau à ma collègue secrétaire d'État à l'Égalité des genres.

 

08.03  Jean-Luc Crucke (Les Engagés): Merci, monsieur le ministre, pour votre réponse. Que le dispositif ait été renforcé, ce n'est pas contestable, mais nous sommes là dans l'aval. Pour l'amont, vous renvoyez en partie – à juste titre – vers votre collègue secrétaire d'État à l’Égalité des genres et à l’Égalité des chances. Je peux le comprendre mais je trouverais opportun que vous puissiez réunir Unia, le MRAX et la LICRA pour un dialogue. Il serait malheureux qu'il n'y ait pas de langage commun entre ceux qui sont chargés de lutter contre l'extrémisme, ce qui aurait une efficacité remarquable.

 

Vous avez évoqué le mécanisme interfédéral de lutte contre l'antisémitisme. Il existe effectivement mais vous savez comme moi – vous n'en êtes pas responsable – qu'il ne va peut-être pas assez loin, tant par rapport aux souhaits de la communauté juive que par rapport à ce qui se fait à la demande de l'Europe dans certains pays voisins.

 

Enfin, je vous remercie pour votre propos, qui était très clair et qui mérite d'être répété: l'antisémitisme, au même titre que le racisme, est inadmissible.

 

L'incident est clos.

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09 Question de Jean-Luc Crucke à Paul Van Tigchelt (VPM Justice et Mer du Nord) sur "Le parquet de Tournai-Mons et le tribunal du Hainaut" (56000550C)

09 Vraag van Jean-Luc Crucke aan Paul Van Tigchelt (VEM Justitie en Noordzee) over "Het parket van Doornik-Bergen en de rechtbank van Henegouwen" (56000550C)

 

09.01  Jean-Luc Crucke (Les Engagés): Monsieur le ministre, fait assez rare, nous avons entendu le procureur du Roi de Tournai-Mons s’exprimer le 17 octobre dernier dans la presse sur la situation de “saturation” non seulement au sein de son parquet mais aussi au sein du tribunal du Hainaut.

 

Actuellement, le parquet fait face à une absence de 25 % de son effectif, liée à des postes vacants ou à des congés de maladie, ce qui le contraint à se concentrer exclusivement sur les affaires prioritaires. À cet égard, le problème ne réside pas dans le manque de candidats pour les postes de substituts, mais bien dans l'absence de budget pour les embaucher.

 

Dans le cas du tribunal du Hainaut, les chiffres sont un peu moins graves, mais il n’en demeure pas moins que le tribunal fait face à une diminution de traitement en matière de contentieux familiaux et d’affaires probatoires.

 

Monsieur le ministre, j’ai trois questions très simples à vous poser: tout d’abord, confirmez-vous ces faits? Quelle est votre analyse de la situation?

 

Je n’ignore pas que nous sommes en affaires courantes, mais existe-t-il des moyens de remédier la totalité de l’absence ou, à tout le moins, de combler une partie du trajet?

 

Troisièmement, quelles sont les mesures à prendre pour éviter que nous ayons à vous interpeller par communication de presse? Ce qui nous blesse, ce n’est pas qu’un procureur du roi prenne la parole, car c’est son droit le plus légitime. Néanmoins, une telle situation occasionne des dégâts sur le justiciable, qui a confiance en la Justice et qui doit pouvoir conserver les moyens de s’adresser à elle, à défaut de quoi l’État de droit est fragilisé.

 

09.02  Paul Van Tigchelt, ministre: Cher collègue, votre raisonnement est correct. Le cadre légal du parquet de Mons compte 45 magistrats, dont 41 sont nommés et 4 exercent une mission. Cela veut dire qu'il y a un effectif de 37 personnes et 3 vacances d'emploi. Pour le tribunal de première instance (TPI) du Hainaut, le cadre légal s'élève à 97 magistrats, dont 96 sont nommés et 4 remplissent une mission. L'effectif est donc de 92 magistrats, et il y a 4 vacances d'emploi. Voilà donc les chiffres détaillés.

 

Je tiens à souligner que les magistrats sont nommés dans l'entité et qu'il appartient au chef de corps d'affecter les magistrats disponibles dans les différentes sections en fonction des besoins du service. C'est une conséquence de l'autonomie que nous avons votée au Parlement.

 

Les dépenses de personnel de l'ordre judiciaire, comme de l'ensemble de l'administration fédérale, font l'objet d'un monitoring périodique. Il s'agit de mesurer, en fonction des moyens actuellement disponibles, quelle est la marge opérationnelle pour lancer de nouvelles vacances d'emploi. Il appartient ensuite au Collège du ministère public, pour les parquets, et au Collège des cours et tribunaux et à leur service d'appui, de déterminer les priorités. Actuellement, cette marge est limitée au niveau du ministère public.

 

Cet état des choses s'explique en partie par le fait que le ministère public s'est récemment concentré sur d'autres fonctions d'appui. Le nombre de juristes de parquet et de criminologues – c'est quelque chose que l'on oublie souvent – a ainsi augmenté de manière significative depuis le début de la législature écoulée. En quatre ans, le nombre de juristes de parquet est en effet passé de 203 à 330. Le nombre de criminologues, quant à lui, est passé de 34 à 90.

 

Le parquet de Mons compte 21 juristes de parquet et 6 criminologues. Dans les tribunaux, le nombre de référendaires – qui sont des juristes assistant le juge – est passé de 54 à 173 au cours de la dernière législature. Au tribunal de première instance du Hainaut, six référendaires sont actuellement en fonction et trois sélections sont en cours.

 

09.03  Jean-Luc Crucke (Les Engagés): Monsieur le ministre, merci pour votre réponse. J’entends qu’il y a concordance quasiment complète sur les chiffres. Il y a quelques différences, mais je pense que, sur la tendance, le constat est effectivement confirmé.

 

J’entends le mécanisme que vous évoquez par rapport aux dépenses judiciaires, au monitoring et à la procédure en cours. Nous n’allons pas refaire le débat électoral ici, mais plus d’un parti a, durant ces élections, insisté, et je crois à juste titre d’ailleurs, sur ce qu’on appelle la simplification administrative.

 

Quand j’entends votre réponse, je me dis qu’il y a peut-être moyen là aussi de trouver des solutions qui permettraient peut-être – restons prudents – une intervention plus rapide. Elle n’est pas de votre chef. Elle est due à un système. Mais si nous faisons de la politique, c’est peut-être aussi pour améliorer le système.

 

Enfin, je prends acte de votre réponse sur les juristes, criminologues et référendaires. Ce sont des chiffres que je ne connaissais pas.

 

Het incident is gesloten.

L'incident est clos.

 

Président: Jean-Luc Crucke.

Voorzitter: Jean-Luc Crucke.

 

De voorzitter: Vraag nr. 56000404C van mevrouw Dillen wordt uitgesteld.

 

De openbare commissievergadering wordt gesloten om 15.10 uur.

La réunion publique de commission est levée à 15 h 10.