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Bulletin n° : B067 - Question et réponse écrite n° : 0682 - Législature : 54


Auteur Jean-Marc Nollet, ECOGR1 (01016)
Département Vice-premier ministre et ministre de l'Emploi, de l'Économie et des Consommateurs, chargé du Commerce extérieur
Sous-département Emploi, Économie et Consommateurs
Titre La propriété intellectuelle sur les clouds.
Date de dépôt16/02/2016
Langue F
Publication question     B067
Date publication 21/03/2016, 20152016
Date de délai18/03/2016

 
Question

Les droits d'auteur, générés par la consommation culturelle traditionnelle, restent la première source de revenus pour tous les créateurs en Belgique. Dans ce cadre, l'émergence exponentielle des nouvelles technologies proposant de nouveaux modes de consommation et de distribution des oeuvres dans l'univers numérique demeure préoccupante pour la communauté des créateurs. Le cloud, en tant que lieu de stockage et de consultation, pose, dans ce cadre, pas mal de questions. En effet, ce dispositif informatique permet la multiplication des copies des oeuvres. Il est donc essentiel de savoir comment appliquer à ces actes d'un genre nouveau les règles juridiques en matière de droits d'auteur et de respect de la propriété intellectuelle existant en la matière. 1. Quelle est la position du gouvernement sur cette épineuse question? 2. Quelles mesures avez-vous prises afin qu'on n'assiste pas à un déplacement du droit d'auteur vers l'utilisation de l'oeuvre, de la notion de copie privée à la notion d'usage normal à partir de cette technologie? 3. Qu'en est-il de l'utilisation des magnétoscopes numériques au niveau des droits d'auteurs dans notre pays? 4. Quel est le cadre légal qui encadre ces derniers? 5. Quelles mesures avez-vous prises afin que la propriété intellectuelle soit préservée dans le cadre de l'utilisation de ces appareils?


 
Statut 1 réponse normale - normaal antwoord
Publication réponse     B068
Date publication 04/04/2016, 20152016
Réponse

1. Le gouvernement demeure très attentif aux développements en matière de nouvelles technologies, lesquelles induisent effectivement de nouveaux modes d'exploitation des oeuvres dans l'univers numérique avec un impact certain pour l'ensemble des acteurs. À cet égard, le gouvernement s'efforce d'apporter des solutions juridiques éclairées et adaptées. Toutefois, premièrement, en ce qui concerne le phénomène du cloud, force est de constater que ce dernier recouvre une variété de services et d'exploitations possibles ce qui rend son appréhension plus complexe. Chaque service doit être analysé au cas par cas, en tenant compte de ses possibilités d'usage (distribution, consultation, stockage) et ses aspects techniques. Il est ainsi difficile d'avoir une position globale et arrêtée de ce phénomène en lien avec le droit d'auteur. Ensuite, deuxièmement, les services de cloud soulèvent différentes questions juridiques qui font toujours actuellement l'objet de débats intenses et de réflexions, tant au niveau européen qu'au niveau national. A cet égard, l'examen du cloud au regard du droit actuel semble davantage relever d'une interprétation des normes en vigueur pour appréhender ces réalités virtuelles, que d'une question de nouvelle formulation dans le texte de loi. Je renvoie l'honorable membre à la réponse qui avait été donnée à ce propos dans le cadre de la question n° 580 du 23 janvier 2014 de Monsieur Dedecker (Questions et Réponses, Chambre, 2013-2014, n° 153, p. 140) et aux développements ci-après. 2. Sous réserve de l'interprétation des cours et tribunaux, j'informe l'honorable membre de ce qui suit: En matière de droits d'auteur, tout acte de reproduction et de communication au public des oeuvres est subordonné à l'autorisation préalable de l'auteur. Dans l'environnement numérique et en lien avec les services de cloud, l'application de ces droits exclusifs reste possible et peut normalement permettre à l'auteur de contrôler l'exploitation de ses oeuvres, via notamment la conclusion de contrats de licences. En d'autre termes, face au cloud, les droits exclusifs de l'auteur peuvent être réglés de façon contractuelle dans les contrats existants ou de nouveaux contrats. Tant juridiquement que pratiquement se pose la question de savoir quel est le régime applicable lorsque des contenus sont placés par l'utilisateur dans un espace de stockage qui lui est personnel. Dans ce cas se pose en effet la question de savoir si les copies de contenus, effectuées à l'initiative de l'utilisateur sur ses terminaux personnels, grâce à certaines fonctionnalités des services cloud, peuvent bénéficier du régime de l'exception de copie privée. Et si, par conséquent, une rémunération pour copie privée peut être prélevée en lien avec ces services. Cette question soulève différentes difficultés déjà commentées dans la question précitée n° 580: - Qui effectue la copie en matière de cloud? Cette question dépend des fonctionnalités précises du service. En Belgique, dans son arrêt Copy-Center de 2005, la Cour de Cassation a précisé que le copiste est celui qui faisait matériellement la copie ou qui donnait l'ordre de la faire. On peut théoriquement en déduire que l'utilisateur qui donne au prestataire de service cloud l'ordre de faire la reproduction, peut être considéré comme le copiste. Toutefois, ce point est discuté et loin d'être harmonisé au niveau européen. - Comment interpréter la notion de "cercle familial"? Dans le cadre de l'exception pour copie privée, les reproductions d'oeuvres doivent être effectuées dans le cercle de famille et réservées à ce dernier (article XI.190,9° CDE). Cependant, en matière de cloud, la copie a lieu sur un serveur distant, qui, techniquement parlant, se situe en dehors du cercle familial. - Est-on uniquement face à un acte de reproduction? L'exception de copie privée est une exception au droit exclusif de reproduction et non au droit de communication au public. On peut toutefois se demander si, dans un environnement cloud, il est uniquement question de droit de reproduction. - Est-ce que le test de trois étapes institué par la Convention de Berne est respecté? L'exception de copie privée, comme chaque exception, doit en effet respecter le test de trois étapes dont deux conditions économiques: la reproduction ne doit pas porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre et elle ne peut causer un préjudice injustifiée aux intérêts légitimes de l'auteur (article 5, §5, de la Directive 2001/29/CE). Est-ce que ces conditions sont respectées en l'espèce? Un autre problème général est lié à la dimension territoriale du service. En effet, les services cloud permettent un accès à distance de données à partir d'une pluralité d'appareils connectés à internet. Il est donc possible de les utiliser à partir de n'importe quel point du globe. Cela peut susciter des conflits de lois et de juridictions, à analyser. Par conséquent, on le constate, la question du cloud en lien avec la copie privée est loin d'être évidente et nécessite davantage d'analyse et de clarté tant au niveau européen qu'au niveau belge. Pour le surplus, les règles du droit d'auteur, telles qu'interprétées à la lumière du prescrit européen, restent toutefois pleinement applicables en la matière ce qui impose normalement, pour chaque acte de reproduction et communication dans le cloud, une autorisation, voire une rémunération, de l'auteur. 3. La notion de magnétoscope numérique est également large et peut recouvrir différentes réalités. Le cadre légal qui encadre le magnétoscope numérique dépend ainsi du support de stockage de l'appareil (disque dur, mémoire flash, cloud) et de ses fonctionnalités. Ainsi, le magnétoscope numérique qui permet la copie sur un disque dur à domicile, est juridiquement soumis au même régime que le magnétoscope classique. L'exception de copie privée s'y applique dans le respect des conditions en vigueur. Les éventuelles autres fonctionnalités, qui ne relèvent pas de la copie privée, tombent sous le coup du droit exclusif et peuvent être réglées contractuellement. En ce qui concerne la copie qui est effectuée sur un serveur distant, dans le cloud (Network Personal Video Recorder), je renvoie l'honorable membre vers les questions mentionnées ci-avant (point 2), en lien avec l'application de l'exception de copie privée. Pour ce dernier cas, je renvoie également l'honorable membre à la réponse écrite à la question précitée n°580. 4. Comme souligné ci-avant, la problématique du cloud en lien avec le droit d'auteur semble davantage relever d'une question d'interprétation des normes en vigueur conformément avec le prescrit européen (directives, jurisprudences), que d'une question de modification de la loi. A ce jour, le droit d'auteur (droit exclusifs, exceptions/ triple test) s'applique donc à chacun de ces appareils, en fonction de leurs usages et fonctionnalités propres. Toutefois, le SPF Economie, conscient des difficultés inhérentes à l'utilisation de ces appareils, principalement lorsqu'ils permettent une copie dans le cloud, continue à suivre de près tous les débats y relatifs et s'efforce de réfléchir à la meilleure façon d'assurer le respect des droits d'auteur dans le cadre de cette utilisation, tant en faveur des utilisateurs que des auteurs et opérateurs concernés.

 
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