Bulletin n° : B094 - Question et réponse écrite n° : 1153 - Législature : 54
Auteur | Philippe Blanchart, PS (01288) |
Département | Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique |
Sous-département | Affaires sociales et Santé publique |
Titre | La surconsommation de médicaments par les enfants. |
Date de dépôt | 27/09/2016 |
Langue | F |
Publication question |
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Date publication | 08/11/2016, 20162017 |
Date de délai | 28/10/2016 |
Question |
En Belgique, deux enfants sur trois consomment une ou plusieurs fois par an des médicaments, selon une étude des mutualités libres. Et cette consommation de médicaments débute dès le plus jeune âge. Toujours selon la même étude, les bébés sont biberonnés aux antibiotiques: un petit patient sur deux en prend. En effet, en grandissant les jeunes enfants font vite la connaissance des bronchodilatateurs, antiallergiques et autres antidouleurs. Le souci est que la majorité de ces prescriptions ne sont pas toujours nécessaires. Par exemple pour les antibiotiques, leur utilisation face à des affections virales est inutile et peut même conduire à doper la résistance de certains germes. Pareil pour les bronchodilatateurs, dont l'usage s'est généralisé aux affections respiratoires "banales" alors qu'en principe, ils sont recommandés dans le traitement de l'asthme uniquement. 1. Quel regard portez-vous sur cette problématique? Pouvez-vous donner davantage d'information chiffrée sur cette tendance à prescrire trop systématiquement des médicaments aux enfants? À quelle ampleur l'estimez-vous? 2. Quelles études sont menées afin d'évaluer cette résistance aux antibiotiques? 3. Quelles mesures avez-vous ou sont envisagées afin de diminuer la tendance à la "surprescription" afin de poursuivre la diminution de l'usage des antibiotiques chez les enfants? 4. Un plan de sensibilisation et de responsabilisation des différents acteurs concernés par cette tendance est-il ou a-t-il été envisagé? |
Statut | 1 réponse normale - normaal antwoord |
Publication réponse |
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Date publication | 05/05/2017, 20162017 |
Réponse |
1. La surconsommation de médicaments en général est un phénomène qui fait peser des risques sur les personnes elles-mêmes et qui nuit au système de santé. La surconsommation d'agents antimicrobiens induit quant à elle une problématique supplémentaire, les résistances bactériennes à ces agents antimicrobiens. Ce problème est si grave que les plus hautes instances sanitaires mondiales se concertent pour capitaliser les moyens disponibles et construire ensemble des stratégies efficaces en réponse à cette situation. La Belgique prend une part active dans cette lutte menée au niveau international et met en place sur son territoire une politique antibiotique cohérente et courageuse. La politique antibiotique que nous poursuivons garantit que le patient n'est traité avec des antibiotiques que lorsque cela est nécessaire et qu'il n'est dès lors pas exposé inutilement aux effets indésirables de ces produits. Lorsque le patient a réellement besoin d'un traitement antibiotique, elle veille aussi à ce qu'il reçoive le bon antibiotique, à la bonne dose et pendant la durée nécessaire. À long terme, une telle politique antibiotique contribue à réduire les résistances que certaines bactéries développent contre les antibiotiques. Des études récentes mettent en regard la (sur-) consommation d'antibiotiques durant l'enfance et le développement de maladies chroniques à l'âge adulte. Ces considérations nouvelles renforcent d'autant plus nos préoccupations et notre volonté de juguler le phénomène. Lorsque l'on considère l'entièreté de la population belge, la consommation de produits antibiotiques en médecine ambulatoire, exprimée en nombre de paquets pour 1.000 habitants, a baissé de près de 40 % depuis les années 2000 (passant de 1.300 à près de 800), mais doit baisser davantage encore. En effet, dans le cadre de sa participation à des réseaux européens et internationaux mesurant les consommations en services et produits de soins de santé, la Belgique a régulièrement l'occasion de comparer ses résultats avec ceux des pays voisins, comme l'Allemagne, la France ou les Pays-Bas. Il ressort de ces comparaisons que la consommation d'antibiotiques dans notre pays est encore trop élevée et qu'obtenir une baisse sensible de cette consommation est un objectif pertinent. C'est pourquoi différentes stratégies ont été mises en place et sont poursuivies, de façon coordonnée, afin de mieux configurer le système de santé par rapport à cette question et d'y impliquer tous les acteurs concernés, y compris les médecins prescripteurs et le grand public. L'Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI) a fourni en juillet 2016 une analyse sur la consommation des antibiotiques chez les enfants dans le secteur ambulatoire. Celle-ci permet de suivre par tranche d'âge l'évolution des consommations d'antibiotiques et indique d'une part que c'est entre l'âge d'un et six ans que la consommation est la plus importante et d'autre part, que le nombre d'enfants entre 0 et 15 ans sous antibiotiques a baissé entre 2012 et 2014. Cette baisse est justement plus marquée chez les enfants de un à six ans. Les chiffres publiés par l'Agence Intermutualiste montrent également une tendance régulière à la baisse de la consommation des antibiotiques chez les enfants de moins de 15 ans entre 2004 et 2014. Le suivi de la consommation chez les enfants est difficile, car il n'existe pas, à l'heure actuelle, d'indicateurs fiables et internationalement validés pour mesurer le phénomène de la consommation antibiotique chez les enfants. Tandis qu'une dose journalière théorique pour l'adulte peut être fixée (et est fixée, la DDD), les doses administrées aux enfants varient énormément, du fait de la variabilité morphologique liée à leur croissance. L'adéquation de la prescription antibiotique chez les enfants reste donc statistiquement difficile à établir et à juger. La Belgique est toutefois en mesure d'évaluer les caractéristiques de la prescription chez les médecins de famille et les pédiatres, ce qui constitue une première approche de la question. 2. Diverses surveillances mesurant spécifiquement les résistances bactériennes sont en place depuis de nombreuses années (certaines ont plus de vingt ans) et ensemble, constituent l'un des éléments importants de notre politique antibiotique. Certaines surveillances sont propres à la Belgique et d'autres répondent à un protocole européen; toutes sont menées en concertation avec les laboratoires nationaux de référence appropriés et l'Institut scientifique de Santé publique (WIV-ISP). L'utilité de ces surveillances comme outils de mesure de la situation est renforcée par la mise en place d'un plan stratégique national de lutte contre les organismes multi-résistants qui met en relation tous les niveaux concernés par cet aspect de la problématique dans un but de plus grande efficacité décisionnelle et d'action. Conformément au concept One Health qui propose une vision globale et intégrée de la santé, la problématique des résistances bactériennes est suivie aussi bien en médecine humaine qu'en médecine vétérinaire. 3. Le combat contre l'administration inappropriée d'antibiotiques aux enfants est une préoccupation des autorités fédérales depuis plusieurs années. Les campagnes de sensibilisation du grand public menées par la Commission belge de coordination de la politique antibiotique (BAPCOC) entre 2008 et 2013 illustraient un enfant hors de l'eau portant des brassards gonflables et visaient ainsi à pointer l'inadéquation complète du traitement d'un bon nombre de maladies hivernales avec des antibiotiques. Ces campagnes, qui sont lancées chaque année lors de la journée européenne (devenue entre-temps journée mondiale) d'information sur les antibiotiques, ont été conçues pour lutter en particulier contre l'usage irrationnel des antibiotiques chez les enfants. En 2011, l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (afmps) a lancé une campagne à l'attention du grand public "Un médicament n'est pas un bonbon". Cette campagne propose 12 clés pour sensibiliser le public au bon usage des médicaments. Une de ces clés concerne notamment l'usage correct des antibiotiques. Il y est rappelé que les antibiotiques doivent être réservés pour traiter les infections bactériennes graves. Cette campagne est toujours accessible depuis le site internet de l'afmps. Des programmes spécialement conçus à destination des enfants ont été développés en Belgique ou adaptés pour notre pays, afin de favoriser l'acquisition par le jeune public des informations les plus importantes à ce sujet et de fournir des outils pédagogiques utiles aux personnes les encadrant, parents, enseignants, etc. Il s'agit notamment: - de la bande dessinée Bob et Bobette, conçue, imprimée et distribuée pour nos jeunes résidents; des points-clés sont explicités en fin d'album afin de les impliquer plus personnellement, d'étayer leur curiosité et de replacer la question dans un contexte scientifique plus large. - du programme e-Bug, développé pour les enfants d'âge scolaire et proposé aux enseignants du primaire et du secondaire. Cette formation en ligne (e-learning) propose des modules didactiques d'apprentissage et est adaptée aux différentes tranches d'âge; - de capsules télévisées conçues spécifiquement pour être diffusées durant les émissions de la télévision belge dédiées à la jeunesse (OufTivi). Les sujets portent sur la résistance bactérienne ainsi que sur la bonne hygiène des mains; - d'un site web (usagecorrectantibiotiques) présentant dans un langage simple les bons gestes et les bonnes attitudes à acquérir en matière de consommation d'antibiotiques. Une lecture attentive des pages du site et l'acquisition des informations importantes sont stimulées par la présence d'un mini-questionnaire (quizz) offrant une récompense en cas de de bonnes réponses. Ce sont là des exemples parmi d'autres mettant en évidence ce que les campagnes de sensibilisation conduites depuis 16 ans et d'autres initiatives complémentaires proposent en particulier aux jeunes belges. Mais c'est bien le grand public dans son ensemble qui est concerné par ces campagnes. Les professionnels de la promotion de la santé montrent bien que la prise de conscience puis la mise en pratique des acquis par les populations passent notamment par des programmes au long terme. 4. Parallèlement à la sensibilisation du grand public, des mesures sont également prises pour sensibiliser davantage les médecins à la bonne utilisation des antibiotiques et au rôle qu'ils ont à jouer en la matière. Un feed-back individuel sur la prescription d'antibiotiques et basé sur six indicateurs sera fourni aux médecins généralistes dans le courant du premier semestre de 2017. Ce feed-back individuel sera diffusé sous la forme d'une brochure présentant des informations quant au choix des indicateurs sélectionnés et à la signification des résultats obtenus; de plus, ce feed-back offrira au généraliste des pistes pour améliorer ses attitudes en lien avec sa prescription d'antibiotiques. Cette mesure est une initiative conjointe de l'INAMI, du SPF Santé publique et de la Commission belge de coordination de la politique antibiotique. Une formation accessible en ligne dénommée GRACE INTRO sera en outre déployée dans tout le pays, en plusieurs phases, durant la seconde moitié de 2017. Il s'agit d'un module didactique proposé aux médecins dans le but de renforcer leurs compétences en communication et de mieux aborder avec leurs patients les consultations au cours desquelles la prescription d'antibiotiques n'est pas nécessaire. Dans ce même cadre, les médecins recevront des brochures destinées aux patients, qu'ils pourront utiliser de manière interactive lors de leurs consultations. On envisage également de mettre en lien dès 2018 l'accréditation des médecins avec leur comportement prescripteur. |
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