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Question et réponse écrite n° : 0456 - Législature : 54


Auteur Denis Ducarme, MR (01056)
Département Ministre de l'Énergie, de l'Environnement et du Développement durable
Sous-département Énergie, Environnement et Développement durable
Titre Le potentiel de la technologie CSC pour la croissance durable.
Date de dépôt31/03/2017
Langue F
Date de délai09/05/2017

 
Question

La technologie du captage et stockage de carbone (CSC) semble une piste intéressante pour la réalisation des engagements climatiques de l'Europe. Pour rappel, dès 2050, l'objectif est de réduire les émissions de 80 à 95 % pour les pays de l'Union européenne. Cette technologie est fondamentale pour la compétitivité future de nos industries (acier, ciment, produits chimiques, raffinage). 1. Avons-nous des plans de développement des infrastructures de transport et de stockage du CO2, et quel est le calendrier optimal pour mettre en oeuvre ces infrastructures? 2. Avons-nous les entreprises et le personnel qualifié pour atteindre cet objectif dès le début de 2020? 3. Comment stimuler le développement commercial du CSC en Europe et trouver les financements? On parle de 1.000 milliards d'euros d'ici 2050. 4. Quelle est la position ou les plans de développement des États-Unis et de la Chine sur ce dossier du CSC?


 
Statut 1 réponse normale - normaal antwoord
Publication réponse     B116
Date publication 05/05/2017, 20162017
Réponse

Il est exact que la technologie du captage et stockage de carbone (CSC) peut jouer un rôle important dans l'élimination des émissions de gaz à effet de serre de secteurs industriels tels que le secteur de la chimie, de la sidérurgie et du ciment. Cela est notamment illustré par les études relatives aux scénarios 2050 réalisées par mon administration, le service Changements climatiques. Contrairement à la production d'électricité, ces secteurs ne disposent pas toujours d'une alternative bas carbone, en raison de leur processus de production. La production d'électricité à partir de combustibles fossiles peut elle aussi compter sur un potentiel technique important pour capturer et stocker en permanence le carbone en profondeur. Il s'agit essentiellement d'une technologie dite de transition, permettant de soustraire à l'atmosphère des émissions de CO2 d'origine fossile, dans l'attente d'une transition de nos systèmes de production énergétique vers des systèmes bas-carbone ou zéro-carbone. Cette technologie fait partie de l'éventail des options d'atténuation à mettre en oeuvre au cours des prochaines décennies, en Europe et dans le monde, en particulier dans les pays qui connaissent une dépendance importante aux sources d'énergie fossiles. D'après le projet GeoCapacity du 6e programme-cadre européen, la capacité totale de stockage géologique permanent de l'Europe (sur terre) est estimée à plus de 300 Gigatonnes (Gt) de CO2, alors que, selon des estimations prudentes, cette capacité serait toujours de 117 Gt CO2. Les émissions totales de CO2 engendrées par la production d'électricité et les applications industrielles dans l'UE se chiffrent à quelque 2,2 Gt CO2 par an, ce qui signifie que tout le CO2 capté dans l'UE au cours des décennies à venir pourrait en théorie être stocké, et ce même si l'on se base sur une estimation prudente de la capacité. Pour ce qui est de la Belgique, l'Institut royal des sciences naturelles de Belgique ont estimé le potentiel de stockage à 625 millions de tonnes (Mt). Les émissions totales de gaz à effet de serre dues à la production d'électricité et aux industries en Belgique s'élevaient à environ 44 Mt en 2015 et pourraient donc en théorie être stockées pendant quelque 11 à 14 années . Il convient toutefois de noter qu'il s'agit de capacités seulement théoriques, qu'une série de contraintes rendent difficiles (ou très coûteuses) la pleine réalisation de ce potentiel. Le rapport spécial du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sur la CSC souligne un certain nombre de limitations au développement du CCS, parmi lesquelles la distance séparant les sources d'émissions de CO2 et les sites de stockage, le coût de cette technologie, la surconsommation énergétique induite par cette technologie, les risques locaux pour la santé, la sécurité et l'environnement, le risque de fuites de CO2 (compromettant son efficacité en tant qu'option pour atténuer le réchauffement climatique), ainsi que les questions relatives à l'acceptabilité par le public et le cadre juridique relatif à la responsabilité à long terme des exploitants de sites. 1. Il n'existe actuellement pas de plans concrets pour le stockage permanent de CO2 sur le territoire belge. Les entreprises belges se tournent plutôt vers les possibilités d'organiser un stockage en dehors de nos frontières avec, par exemple, un transport vers les Pays-Bas (voir ci-après). En termes d'infrastructures, la Belgique possède un réseau très dense de canalisations actuellement utilisé pour le transport de combustibles, de gaz naturel et de gaz industriels, dont également, dans une moindre mesure, le dioxine de carbone. La Régie portuaire communale d'Anvers a récemment fait analyser les possibilités en matière de transport de CO2 au moyen de canalisations pour les applications à l'intérieur et à l'extérieur du port. On songe notamment à l'utilisation en serre pour l'horticulture, à la carbonisation en laitiers pour la production de matériaux de construction, à la fabrication de composés de carbone dans le secteur chimique et à la technique du Enhanced Oil Gas Recovery (EOGR) qui peut contribuer à améliorer la rentabilité de l'extraction de pétrole et de gaz en Europe. Cette technologie EOGR peut rendre le stockage géologique de CO2 plus rentable et peut permettre d'affiner les technologiques de captage, de transport et d'injection, de sorte qu'à terme, le stockage géologique de CO2 sans EOGR (mieux connu sous le nom de CSC - Captage et Stockage de Carbone) puisse lui aussi devenir plus rentable, mais elle est vue par ces adversaires comme une manière de consolider l'économie basé sur des énergies fossiles et ainsi freiner la transition vers une société durable et bas carbone Les résultats de cette étude Interreg CO2 en CH4 als dragers voor regionale ontwikkeling, réalisée en collaboration avec les collègues néerlandais durant la période 2008-2015, ont montré que la concentration en CO2 dans le gaz source, la présence de chaleur résiduelle, l'échelle de l'application (la quantité de CO2 traitée annuellement) et la distance entre la source et l'utilisateur final sont importants pour la faisabilité financière de tels projets. Le coût de l'opération varie de euros 25 à euros 75 par tonne de CO2, en fonction de l'échelle et de la chaleur résiduelle éventuelle. Les frais de transport sont aussi élevés: minimum 45euros/tonne. Un business case concluant n'est donc possible que si la distance de transport est très courte ou si des conduites existent déjà. L'horticulture en serres apparaît comme premier débouché. Parmi les champs d'application possibles pour l'avenir, citons la production d'algues comme source d'énergie, le stockage d'électricité éolienne et solaire sous forme de en méthane (Power2Gas) et la production de matières synthétiques. Un véritable stockage permanent du CO2 n'est pas envisagé par l'étude comme étant une option réalisable. 2. En ce qui concerne la qualification du personnel et la capacité industrielle, nous disposons en Belgique de l'expertise pour accompagner au niveau local la mise en oeuvre opérationnelle de projets CSC et nous avons le potentiel pour continuer à grandir dans ce domaine. Toutefois, les entreprises qui sont actuellement les plus avancées dans les technologies requises pour la CSC, sont celles actives dans l'extraction minière et l'extraction de gaz, des activités qui n'ont plus lieu sur le territoire belge, de sorte que nous avons quelque peu perdu en expertise au fil des ans. Dans votre question, vous faites référence à un objectif à l'horizon 2020, sans le spécifier. Je suppose que vous faites allusion à l'engagement de nos chefs d'État européens pris en avril 2009 en vue d'avoir d'ici 2020 jusqu'à 12 projets de démonstration en matière de CSC et de les financer par la vente de 300 millions de quotas d'émission (NER300) en provenance du Système européen d'échange de quotas d'émission, du réserve des nouvelles entrants. 3. J'arrive à votre question concernant le financement de projets CSC. Dans la phase actuelle du Système européen d'échange de quotas d'émission, de 2013 à 2020, 300 millions de quotas d'émission issus de la réserve destinée aux nouveaux entrants, ont été mis de côté comme source de financement pour des projets de démonstration en matière de CSC et d'énergies renouvelables. Vous avez également le Programme énergétique européen pour la relance (PEER), qui se concentre spécifiquement sur six projets de démonstration CSC avec 180 millions d'euros par projet en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne et en Espagne. Pour un prix carbone de 30 euros, le financement total aurait dû s'élever à pas moins de neuf milliards d'euros. Le prix carbone en tant que stimulant et le soutien financier supplémentaire via le NER300 et le PEER ont été jugés adéquats pour garantir la construction d'une série de centrales de démonstration CSC dans l'UE. Pour le premier appel à propositions dans le cadre du NER300, 1,1 milliard d'euros a été mis à disposition et versé à des projets. Suite à l'invitation lancée dans le cadre du NER300, 13 projets CSC couvrant sept États membres ont été introduits, dont deux projets CSC dans des applications industrielles et 11 projets CSC dans le secteur de la production d'électricité. Au final, aucun projet CSC n'a obtenu de financement, étant donné que les États membres n'étaient plus en dernière instance en mesure de confirmer la tenue de leurs projets. Malgré des efforts considérables pour prendre les choses en main au niveau de l'UE en dans le développement de la technologie CSC, il n'y a actuellement aucun projet de démonstration "grandeur nature" avec CSC complète (captage, transport et stockage), même les projets UE les plus prometteurs sont confrontés à d'importants retards, en particulier pour les raisons suivantes: Le manque d'intérêt de la part des investisseurs Avec des prix carbone actuels largement inférieurs à 40 euros par tonne et en l'absence de la moindre obligation ou du moindre incitant de la part du législateur, les acteurs économiques n'ont aucune raison d'investir dans la CSC. Même avec un prix de 40 euros par tonne, rien ne garantit que cela suffise pour la mise en place de projets de démonstration. La faisabilité économique s'est considérablement détériorée après 2009 suite à la crise économique qui a donné lieu à une diminution du prix carbone ETS. La plupart des projets ont basé leurs calculs sur un prix carbone de minimum 20 euros par tonne de CO2. Par rapport au prix de 30 euros escompté au moment de la présentation du paquet énergie-climat, les frais supplémentaires à couvrir sont de 200 millions d'euros. Ces coûts supplémentaires devraient à l'heure actuelle être financés soit par les entreprises, soit par des fonds publics. La récupération assistée du pétrole (EOR) pourrait être utile dans certains projets, mais à la différence des États-Unis, la technique EOR n'a pas fonctionné en Europe en tant que moteur pour l'instauration de la CSC. En outre, il ressort de l'évaluation de la Commission de 2012 que les développeurs CSC qui ont introduit une demande dans le cadre du NER300 n'étaient pas très disposés à contribuer eux-mêmes à ces coûts. Une majorité des exploitants CSC ont introduit des demandes qui dépendaient quasiment toutes d'un financement public, tandis que les autres exploitants demandeurs proposaient une contribution relativement faible. Les fonds non utilisés ont été transférés au deuxième appel à projets. Concernant ce deuxième appel, un milliard d'euros a été attribué à 20 projets d'énergie renouvelable et à un projet CSC. Le projet CSC White Rose retenu se trouve dans le Yorkshire, au Royaume-Uni, et concerne la centrale à charbon et biomasse de Drax de 3.960 MW. En 2013, le projet a reçu un subside pour permettre son développement. En juillet 2014, un montant de 300 millions a été réservé sur les moyens NER300. En septembre 2015, le développeur du projet de Drax a cependant fait savoir qu'après l'étude de faisabilité, il ne consentirait plus à de nouveaux investissements dans le projet, en raison du changement de politique des autorités en matière d'énergie renouvelable (les autorités ont réduit leur soutien en faveur de l'utilisation de pellets de bois). Il a été mis fin au projet fin 2015 après que les autorités britanniques aient mis un terme à leur financement d'un milliard de livres sterling pour des projets CSC. Cette décision a également mis à mal un autre projet au Royaume-Uni, projet de récupération assistée du pétrole (EOR) en Écosse. Des six projets susceptibles d'être financés par le budget PEER, aucun n'a à ce jour pris définitivement la décision d'investir. Après le second appel, les moyens NER300 restants non utilisés s'élèvent à un petit demi-milliard d'euros. Ceux-ci seront attribués à des projets via des fonds européens existants et des prêts bon marché avec garanties. Après le retrait de son projet NER300 Slim, qui mise sur l'intégration d'énergies renouvelables dans le réseau de transmission et de distribution, la Belgique n'a plus de projet NER300. Je demanderai à mon administration et aux développeurs de la prise en mer si leur projet entre en ligne de compte pour ces aides européennes restantes. Après 2020, la vente de quotas d'émission dans le but de promouvoir les technologies innovantes se poursuivra par l'entremise du fonds d'innovation qui contiendra 400 millions de quotas. À ma connaissance, il n'y a actuellement aucun projet CSC opérationnel dans l'Union européenne. Le projet le plus avancé est le projet ROAD (Rotterdam Opslag en Afvang Demonstratieproject) aux Pays-Bas, fruit d'une collaboration entre E.ON et Engie. Il s'agit d'un projet de démonstration, visant à stocker 1,1 Mtonne CO2 par an dans des champs de gaz épuisés. En 2015, le journal Het Financieel Dagblad signalait toutefois ici aussi des problèmes de financement en raison des faibles prix du carbone. Le porte-parole du projet a formulé les choses comme suit: "Tant que toute la chaîne de stockage coûtera - disons - 60 euros la tonne et que le prix d'émission de CO2 restera sous les 10 euros, je ne vois pas ce projet démarrer." L'équipe du projet espère néanmoins que ces obstacles seront levés, et un redémarrage avec un nouvel arrêté de financement devrait alors selon lui commencer avec le captage et le stockage de CO2 en 2018. On ne sait toutefois pas si cet arrêté a aujourd'hui été pris. Les seuls projets en Europe sont ceux sur les plates-formes de forage en Norvège où une norme prévoit que le gaz naturel puisse contenir maximum 2,5 % CO2 et qu'une taxe soit prélevée sur le CO2 sur le plateau continental norvégien (projet Sleiper Snøhvit). Il est évident que pour une Europe où les possibilités de récupération assistée du pétrole font généralement défaut, il y aura des problèmes de financement, notamment en raison d'un prix trop bas du carbone. Un autre problème qui s'ajoute à celui de la faisabilité financière de projets CSC est la surconsommation d'eau et d'énergie requise. La technologie de captage du dioxine de carbone demande presque deux fois plus d'eau de refroidissement et beaucoup d'énergie supplémentaire. Par exemple, une centrale de 550 MW qui produit elle-même son énergie pour le captage de CO2 produirait pour cela 125 MW d'électricité supplémentaire. Sachant que la technologie CSC actuelle nécessite un lavage des fumées dit par voie humide, il faut jusqu'à 80 % d'eau de procédé en plus. C'est ainsi que les centrales à charbon moderne qui font appel au cycle combiné à gazéification intégrée ont besoin de quelque 800 litres d'eau supplémentaires par mégawattheure d'électricité produite, et pour les centrales à charbon classiques, cela s'élève même à 1.500 litres. 4. Concernant le déploiement mondial de la CSC, le Global CCS Institute a publié en 2016 son tout dernier état des lieux mondial des projets CSC. À l'heure actuelle, on compte 17 projets opérationnels à grande échelle avec une capacité de stockage de 29 Mtonnes par an; si les projets en cours de préparation et ceux en Australie et au Canada entrent en service d'ici la fin de l'année, ce chiffre passera à 21, pour une capacité de stockage de 40 Mt par an. La plupart des projets actuels se trouvent aux États-Unis (9/17), d'autres se situent en Norvège (2/17), au Canada (3/17), aux Émirats Arabes Unis (1), en Arabie saoudite (1) et au Brésil. La majorité des projets ont pour but la récupération assistée de pétrole ou de gaz (13/17) avec stockage sur place; pour les autres projets, le stockage se fait dans des couches de sel profondes on-shore (2/17) et off-shore (2/17). Le projet CSC en Algérie (avec crédits MDP) a pris fin en 2011 en raison de préoccupations liées à des fuites verticales dans la roche couverture. On ne sait pas exactement ce que la nouvelle administration américaine a l'intention de faire avec ces projets et dans quelle mesure cela impactera la poursuite de ces projets et les projets futurs. La Chine n'a que quelques projets CSC en préparation mais a déjà fait savoir à la communauté internationale qu'elle désire réduire progressivement sa dépendance au charbon. Les experts de l'Institut royal des sciences naturelles de Belgique recevront prochainement de plus amples informations lors d'un congrès CSC mondial sur les projets chinois et je demanderai un état de la situation à nos ambassades de Washington et de Beijing.

 
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