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Bulletin n° : B123 - Question et réponse écrite n° : 0599 - Législature : 50


Auteur Bart Laeremans, VB
Département Ministre de la Justice
Sous-département Justice
Titre Peines d'emprisonnement subsidiaires.
Date de dépôt19/04/2002
Langue N
Publication question     B123 - Page : 15418
Date publication04/06/2002, 200120020
Statut questionRéponses reçues

 
Question

De plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer la suppression de la peine d'emprisonnement subsidiaire ou du moins pour demander qu'elle ne soit plus appliquée. L'importante pénurie de cellules favorise cette demande. On ne peut toutefois répondre à celle-ci dans l'immédiat car elle encourage de nombreuses personnes à ne plus payer leurs amendes. On crée ainsi une forme d'impunité. 1. A quelle fréquence les peines d'emprisonnement subsidiaires sont-elles encore appliquées? 2. Concrètement, votre administration peut-elle me communiquer le nombre de fois où cette peine a été appliquée chaque année entre 1990 et 2001? 3. Pouvez-vous expliquer cette évolution? 4. L'application de l'emprisonnement subsidiaire dépend-il d'une volonté politique concrète ou de la capacité carcérale régionale? 5. Si vous êtes d'avis que l'emprisonnement subsidiaire ne constitue pas une arme efficace pour inciter les condamnés à payer leurs amendes, quelle est l'alternative?

Publication réponse     B160 - Page : 20580
Date publication18/03/2003, 200220030
Réponse

Rappel de la législation Dans le préambule de votre question, vous affirmez votre désaccord avec ceux qui souhaitent la disparition des peines de prison subsidiaires aux amendes. Aucune proposition de loi n'est déposée en ce sens (Courriel du 22 octobre 2002 de Luc De Loy Vermeulen, premier conseiller de direction au Service Documentation et Archives du Parlement). Cette absence de proposition s'explique par le fait que le mécanisme légal développé ci-dessous et dont il est fait application, permet à l'État de ne pas exécuter cette peine subsidiaire. En effet, l'emprisonnement subsidiaire est laissé à l'appréciation de l'État qui en use ou n'en use pas selon les circonstances. Cette liberté d'appréciation relève du texte lui-même. L'article 40, alinéa 2, du Code pénal utilise le terme «pourront». Définition L'emprisonnement subsidiaire est celui auquel peut être soumis le condamné à une amende qui reste en défaut de payer celle-ci. Cette modalité d'exécution de la peine d'amende fixée par le juge a remplacé la contrainte par corps comme garantie des amendes. Le législateur y voyait un moyen moins barbare de prévenir l'impunité des insolvables (Hennebicq Léon et al. Les Novelles: Corpus Juris Belgici. Droit pénal. Tome I, volume I. Bruxelles: Maison Ferdinand Larcier. 1956, p. 172, n° 782). La contrainte par corps permettait même en matière civile l'emprisonnement pour dettes. L'emprisonnement pour dettes est d'ailleurs interdit par l'article 1er du protocole n° 4 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, reconnaisant certains droits et libertés autres que ceux figurant déjà dans la Convention et dans le premier protocole additionnel à la Convention, tel qu'amendé par le protocole n° 11. Fondement légal La matière de l'emprisonnement subsidiaire est réglée par les articles 38, 39, 40 et 41 du Code pénal sous la section VI. Des peines communes aux trois espèces d'infraction, sous-section 1er de l'amende applicable aux personnes physiques. L'article 38 fixe le taux d'amende et détermine qu'elles sont au profit de l'État. «L'amende pour contravention est d'un euro au moins et de vingt-cinq euros au plus sauf cas exceptés par la loi.» «L'amende pour crime ou délit est de 26 euros au moins.» «Les amendes seront perçues au profit de l'État.» L'article 39 définit les règles de condamnation en cas de pluralité d'auteurs «L'amende est prononcée individuellement contre chacun des condamnés d'une même infraction.» L'article 40 précise «A défaut de payement dans le délai de deux mois à dater de l'arrêt ou du jugement s'il est contradictoire, ou de sa signification, s'il est par défaut, l'amende pourra être remplacée par un emprisonnement dont la durée sera fixée dans le jugement ou l'arrêt de condamnation, et qui n'excédera pas six mois pour les condamnés à raison de crime, trois mois à raison de délit et trois jours pour les condamnés à raison de contravention.» «Les condamnés soumis à l'emprisonnement subsidiaire pourront être retenus dans la maison où ils ont subi leur peine principale.» «S'il n'a été prononcé qu'une amende, l'emprisonnement à subir, à défaut de payement est assimilé à l'emprisonnement correctionnel ou de police selon le caractère de la condamnation.» L'article 41 précise: «Dans tous les cas, le condamné peut se libérer de cet emprisonnement en payant l'amende; il ne peut se soustraire aux poursuites sur ses biens en offrant de subir l'emprisonnement.» Nature de la peine L'emprisonnement subsidiaire n'est pas une peine supplémentaire c'est une voie d'exécution de l'amende. L'emprisonnement subsidiaire ne peut être prononcé indépendamment d'une amende. Là où il n'y a pas d'amende, il n'y a pas d'emprisonnement subsidiaire. D'autre part l'emprisonnement subsidiaire ne peut être prononcé pour tenir lieu d'une amende qui a un caractère civil ou a fortiori d'une condamnation civile soit à des restitutions, soit à des dommages et intérêts. L'emprisonnement subsidiaire ne peut être substitué à l'amende par le juge. L'amende est la seule peine à laquelle le coupable est réellement condamné. La loi ne donne pas le choix entre l'amende et la prison. Elle décide que le condamné peut toujours se soustraire à l'emprisonnement en payant l'amende, même lorsque l'emprisonnement est commencé tandis qu'il ne peut se soustraire aux poursuites sur ses biens en offrant de subir l'emprisonnement. L'emprisonnement subsidiaire participe de la notion de peine. Pour pouvoir être subi, le jugement ou l'arrêt de condamnation doit en fixer la durée. Cependant le juge n'a qu'un rôle régulateur: il n'a d'autre mission que celle de fixer la durée de l'emprisonnement subsidiaire. Cette durée étant fixée, le pouvoir exécutif trouve dans la loi elle-même ses prérogatives quant à l'exécution. Durée de l'emprisonnement subsidiaire La durée de l'emprisonnement subsidiaire n'est fixée par la loi que pour son maximum. La jurisprudence en a fixé le minimum par l'interprétation combinée des articles 25, 38 et 83 du Code pénal. Si l'infraction est un crime à raison de la peine prononcée, la durée de l'emprisonnement subsidiaire sera fixée de huit jours à six mois. Si l'infraction est un délit à raison de la peine prononcée, la durée de l'emprisonnement subsidiaire sera fixée de huit jours à trois mois. Si l'infraction doit être considérée comme une contravention à raison de la peine prononcée, la durée de l'emprisonnement subsidiaire sera fixée de un à trois jours. Les règles sur l'emprisonnement subsidiaire sont applicables à toutes les amendes pénales quelle que soit l'autorité qui a établi l'infraction aussi bien aux amendes prévues par les lois et règlements particuliers qu'aux amendes prévues par le Code pénal (article 100) et quelle que soit la juridiction appelée à les prononcer. Le droit pour le gouvernement de recourir à l'emprisonnement subsidiaire est subordonné à l'écoulement d'un délai de deux mois pendant lesquels le condamné est resté en défaut de payer l'amende. Le délai prend cours au jour de l'arrêt s'il est contradictoire, ou de sa signification, s'il est par défaut. L'administration a seule qualité pour constater l'insolvabilité du condamné. Une mesure controversée La mesure a fait l'objet d'un débat doctrinal et la circulaire du 22 décembre 1999 constitue le terme d'un processus commencé il y a plus d'un demi-siècle. En 1966, répondant à une question parlementaire du 28 mars 1966, le ministre de la Justice a signalé que pendant l'année 1965, 1 579 hommes et 133 femmes avaient été détenus, uniquement en raison du non-paiement d'une amende. Les pénalistes et criminologues s'interrogent sur l'intérêt de cette mesure. La peine d'emprisonnement pour non-paiement d'une amende offre tous inconvénients des courtes peines. La mesure a un aspect anti-social «puisque ceux qui ont les moyens de payer l'amende se font pas faute (sauf de rares exceptions) de le faire. Le pauvre est incarcéré.» (L. Cornil, Le Droit pénal et la Procédure pénale après la tourmente, Novelles, Procédure pénale, T. I, Introduction, p. 47 cité par Claude de Briey. La participation judiciaireà l'exécution des sentences pénales / préface de M.H. Bekaert, avec la collaboration de l'Association belge des juristes catholiques. Namur: Société des sciences morales, sociales et juridiques; Bruxelles: Maison Ferdinand Larcier, 1968, p. 150). L'emprisonnement subsidiaire comme tout emprisonnement pour dettes est intellectuellement condamnable. Il est injuste socialement et inégalitaire car il punit de façon plus rude le pauvre que le riche. Un déclain inexorable Une circulaire du ministre de la Justice du 28 mars 1951 demande de ne pas faire exécuter l'emprisonnement subsidiaire lorsque le condamné a des biens saisissables. La circulaire du 3 juillet 1954 prescrit de ne faire exécuter l'emprisonnement subsidiaire qu'à l'égard de ceux qui sont «de mauvaise volonté». Les circulaires n° 1573/IX du 8 novembre 1991, n° 1574/IX du 27 novembre 1991 et n° 1581/IX du 25 mars 1992 vont encore restreindre le champs d'application de cette mesure jusqu'à notre circulaire du 22 décembre 1999 adressée aux procureurs généraux. La circulaire du 22 décembre 1999 Le 22 décembre 1999, j'ai adressé une nouvelle instruction relative à la non-exécution de l'emprisonnement subsidiaire. Les motifs intellectuels qui justifient cette instruction restent constants. Ils portent sur la place de l'emprisonnement dans la politique générale des sanctions. «Un fait est certain: l'emprisonnement en tant que tel ne vise généralement qu'à éloigner temporairement de la société celui qui a transgressé la norme fixée par celle-ci. L'effet resocialisant de cette peine est des plus douteux.» «Dans le cadre d'une politique réductionniste, on affirme toujours que seuls ceux qui ont réellement leur place doivent s'y trouver. Quand le juge estime, en tenant compte des faits et de leur auteur, qu'une amende est la peine la plus appropriée, c'est cette peine qui doit être exécutée (par la voie civile) et pas une autre. Actuellement le risque subsiste que le condamné qui conformément au jugement, n'a pas sa place en prison, risque d'y aboutir néanmoins.» Les motifs portent aussi sur les effets de l'évolution de la criminalité. «L'évolution de la criminalité entraîne le surpeuplement des prisons, de sorte que, dans la pratique, il est souvent impossible d'exécuter les peines d'emprisonnement subsidiaire.» A ces causes, l'évolution actuelle des sanctions effectivement prononcées par les tribunaux se sont accrues depuis mon instruction du 22 décembre 1999. L'application actuelle de l'emprisonnement subsidiaire En 2000, en matière correctionnelle sur 22 632 condamnations à une amende, les parquets ont ouvert 3 745 dossiers concernant l'exécution des peines d'emprisonnement subsidiaire. En 2001, sur 21 375 condamnations à une amende seul 1 745 dossiers d'exécution de peines de prison subsidiaires ont été ouverts dans les parquets. Voir tableau dans le bulletin page 20586 Les chiffres étant incomplets, une comparaison statistique entre les condamnations correctionneles à des amendes et les dossiers d'exécution ouverts au parquet n'est possible que dans les arrondissements dont les chiffres sont complets. Charleroi, Arlon, Ypres et Anvers en 2000 n'ont pas remis de chiffres de dossiers ouverts au parquet pour l'exécution de peines de prison subsidiaire. Nous n'avons pas les chiffres de Courtrai en 2000, de Malines en 2001, de Hasselt, Termonde, Ypres, Furnes, Arlon, Marche-en-Famenne, Neufchâteau et Mons pour les deux années en ce qui concerne le nombre de condamnations à des amendes. Plusieurs arrondissements n'ouvrent plus de dossiers d'emprisonnement subsidiaire. Il s'agit des arrondissements du ressort de la cour d'appel de Liège, sauf Eupen. Voir tableau dans le bulletin page 20587 L'interprétation des chiffres est difficile. A l'exception de Tournai et d'Eupen, arrondissements de frontières où les taux d'ouverture de dossiers du chef d'emprisonnement subsidiaire sont élevés (20% et 25%), les pourcentages des autres arrondissements qui pratiquent encore l'emprisonnement subsidiaire est de 0,6% à 5% en 2001. Pour affiner les chiffres précédents, vous trouverez ci-dessous les chiffres concernant les ordonnances de capture pour peine subsidiaire, les billets d'écrou emprisonnement subsidiaire ainsi que les instructions de mise en exécution des peines en cas d'emprisonnement principal pour les années 1998, 1999, 2000, 2001, 2002 en exécution des peines tous niveaux de juridiction confondues. Dans 18 arrondissements judiciaires et trois des quatres implantations des tribunaux de police de l'arrondissement de Bruxelles, la pratique de l'emprisonnement subsidiaire était déjà abandonnée lorsque j'ai pris la circulaire du 22 décembre 1999. Seuls Anvers, Asse, Bruges, Termonde, Tournai et Turnhout pratiquaient encore ce type de sanction en 1998. Tournai seul continue d'envoyer des ordonnances de capture pour les emprisonnements subsidiaires qui ne sont pas exécutés. Nous ne disposons pas des chiffres d'Eupen dont on peut supposer des chiffres d'ouverture de dossiers au parquet une attitude similaire à celle du parquet de Tournai. En 2002, sous la réserve de Tournai et d'Eupen, l'ensemble du Royaume a cessé d'exécuter les peines d'emprisonnement subsidiaire. Voir tableau dans le bulletin page 20588 Voir tableau dans le bulletin page 20588 Voir tableau dans le bulletin page 20589 Voir tableau dans le bulletin page 20589 Voir tableau dans le bulletin page 20589 Voir tableau dans le bulletin page 20590 Voir tableau dans le bulletin page 20590 Voir tableau dans le bulletin page 20590 Voir tableau dans le bulletin page 20591 Voir tableau dans le bulletin page 20591 Voir tableau dans le bulletin page 20591 Voir tableau dans le bulletin page 20592 Voir tableau dans le bulletin page 20592 Mon collègue des Finances pourra vous communiquer les taux de recouvrement des amendes pénales. Conclusion En conclusion, on peut tenir le raisonnement inverse du vôtre et s'interroger sur le fait de savoir si l'emprisonnement subsidiaire n'encourageait pas certaines personnes solvables à préférer la prison au paiement de l'amende. Les arguments qui contredisent l'affirmation que l'absence d'exécution de l'emprisonnement subsidiaire incite à ne plus payer les amendes. - Votre argumentation, reproduite est démentie par les expériences de perception en amont du jugement que sont les perceptions immédiates et les transactions. Ces sanctions patrimoniales ne sont pas assorties de menace d'incarcération subsidiaire. Or, en 2001, le taux de recouvrement des transactions s'établissait entre 80,8% à Liège et Huy, 81,9% à Bruxelles, 84,9% à Bruges, 86,5% à Verviers et à Namur, 86,7% à Neufchâteau, 87,3% à Tournai, 88,5% à Nivelles, 88,6% à Arlon, 89,7% à Vilvorde et à Charleroi, 90,1% à Gand, 90,2% à Mons, 90,6% à Furnes, 90,7% à Asse, 91,1% à Dinant, 91,2% à Anvers, 91,9% à Hal, 92,4% à Termonde, 92,5% à Audenarde, 92,7% à Marche, 93% à Courtrai, 93,3% à Tongres, 93,4% à Louvain, 93,8% à Ypres et Turnhout et 94,5% à Hasselt (Source: CTI 22 octobre 2002). Les taux des perceptions immédiates tant pour les résidents que pour les non-résidents sont similaires aux taux de recouvrement des transactions (par exemple pour le ressort de la cour d'appel de Gand 90%).

 
Descripteurs EurovocEMPRISONNEMENT, PEINE DE SUBSTITUTION