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Bulletin n° : B184 - Question et réponse écrite n° : 1703 - Législature : 54


Auteur Véronique Waterschoot, ECOGR1 (06639)
Département Vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et européennes, et de la Défense, chargé de Beliris et des Institutions culturelles fédérales
Sous-département Affaires étrangères et Défense
Titre Déclaration onusienne des droits des paysans (QO 28280).
Date de dépôt26/02/2019
Langue F
Publication question     B184
Date publication 04/04/2019, 20182019
Date de délai29/03/2019

 
Question

Le 17 décembre 2018, lors de l'adoption finale de la déclaration des droits des paysans et des autres personnes travaillant en milieu rural par l'Assemblée générale des Nations Unies, 127 pays ont soutenu ce texte préparé depuis 17 ans, 8 ont voté contre et 54, dont plusieurs pays européens, se sont abstenus. Ce fut le cas de la Belgique. Ce manque de courage face à un texte important, fruit de 17 années de mobilisation du mouvement paysan, représenté notamment par La Via Campesina, la FUGEA, Oxfam Solidarité, le CNCD et FIAN, qui vise à protéger les droits de celles et ceux qui produisent notre nourriture tout en protégeant les ressources naturelles, est pour nous difficilement compréhensible. En effet, ce texte participe aux réponses à apporter aux grandes crises actuelles: pauvreté rurale, insécurité alimentaire, changements climatiques, dégradation des ressources naturelles, effondrement de la biodiversité, etc. Nous avions bien pris note des réticences de la Belgique exprimées quant à appuyer favorablement la déclaration. Le texte avait cependant fortement évolué, tout comme le contexte européen et belge. Au niveau du contenu, l'argument majeur que vous mettiez en avant était que cette déclaration entraverait l'universalité des droits car elle protégerait des catégories spécifiques de personnes. Pour reprendre vos mots: "ce main streaming des droits humains dans notre politique étrangère est une priorité pour notre pays". L'argument paraît à tout le moins léger lorsqu'on considère que le droit international a notamment pour objectif de protéger les droits des personnes les plus vulnérables telles que les travailleurs migrants, les femmes, les enfants, les personnes avec un handicap, les peuples autochtones, les minorités, etc. Parallèlement, il existe par ailleurs de nombreuses conventions internationales relatives aux travailleurs agricoles, aux marins, aux pêcheurs, etc. Pour sa part, la Belgique a fait de la défense des droits des enfants une priorité de son mandat au sein du Conseil de sécurité. Et la défense des droits des femmes est une priorité du ministre de la Coopération. De même, tant le ministre De Croo, que vous-même avez défendu chèrement le Pacte des migrations, dont plusieurs aspects visent à renforcer les droits des migrants. Ou, encore récemment, le ministre De Croo a annoncé des financements spécifiques aux organisations de défense des droits des communautés LGBTI. Nous félicitons le gouvernement pour ces prises de position en faveur de la défense des groupes qui font face à des discriminations systématiques et violations de leurs droits fondamentaux. Cela ne fait pourtant que souligner plus encore l'incohérence de la position belge sur les droits des paysans. Un second argument que vous avez précédemment avancé, à savoir que la déclaration créerait de "nouveaux droits" et qu'ils affecteraient la protection universelle accordée par d'autres instruments, ne tient plus aujourd'hui. En effet, cet aspect a été écarté d'une part par la révision de nombreux articles du texte et d'autre part, par une étude du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme parue en 2017 confirmant que chaque article de la déclaration repose sur des sources du cadre normatif du droit international existant, et ne font que réaffirmer et expliciter des droits préexistants mais dispersés, ignorés ou présentant des lacunes. Enfin, la Belgique a systématiquement argumenté suivre la position européenne sur ce dossier. In fine, des États membres ont pourtant voté favorablement (Luxembourg, Portugal) et la Belgique a (encore) manqué l'occasion de figurer dans le groupe des États progressistes, tel que massivement exigé par le monde agricole, associatif, académique et politique belge comme européen. Chez nous, les trois ministres régionaux de l'Agriculture ont eux aussi appelé un vote positif. Même au niveau fédéral, Marie Christine Marghem (ministre du Développement durable) a demandé à la Belgique de faire avancer son positionnement. Sans évoquer le soutien massif de la société civile belge (plus de 60 syndicats et organisations de la société civile belge) et du monde académique. Récemment encore, la Fédération Wallonne de l'Agriculture a également appelé le gouvernement à voter "oui", confirmant le consensus au niveau agricole pour cette déclaration. 1. Maintenant que la forme du problème qui a motivé votre abstention est derrière vous, quelle action allez-vous entreprendre pour répondre aux enjeux de fond? 2. Vous affirmiez, en réponse à mon prédécesseur qui vous interrogeait au sujet de la déclaration, que "les instruments existent au sein des Nations Unies. On peut les renforcer. Nous sommes, d'ailleurs, tout à fait prêts à le faire". Pouvez-vous nous éclairer sur les instruments que vous visez et votre action de renforcement à leur égard? 3. Quelle voix comptez-vous porter, et à travers quels instruments, pour protéger les paysans face aux entreprises industrielles et aux multinationales de l'agrobusiness? Comment allez-vous agir afin de permettre aux paysans de protéger leurs terres, d'utiliser leurs propres semences non standardisées, bref, de regagner le contrôle de leur production agroécologique? 4. Quel est votre point de vue sur l'idée de sacraliser, dans un texte universel, le concept de "commun", nouveau dans le droit international, pour les rivières, les prés, les forêts et autres zones de pêche? 5. La promotion de l'égalité femmes-hommes dans les sphères rurales, promue par la déclaration, n'entre-t-elle pas en résonance de nombreuses initiatives portées par vous, mais aussi par le ministre en charge de la Coopération en faveur des femmes dans d'autres dossiers internationaux?


 
Statut 1 réponse normale - normaal antwoord
Publication réponse     B185
Date publication 30/04/2019, 20182019
Réponse

La Belgique s'est en effet abstenue - et donc n'a pas voté contre - lors du vote à l'Assemblée générale des Nations unies sur la Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, tout comme la grande majorité des États membres de l'Union européenne. Cette abstention a été motivée par le fait que la Déclaration semble créer de nouveaux droits pour un groupe spécifique de personnes, ce qui est en contradiction avec l'universalité des droits de l'Homme, un principe fondamental auquel la Belgique attache une grande importance. En outre, la Déclaration n'est pas pleinement conforme aux accords internationaux existants, qui couvrent déjà de nombreux aspects pertinents des droits de l'Homme. Enfin, certains droits prévus dans la Déclaration et la manière dont les États devraient les garantir, suscitent des préoccupations juridiques. Je tiens toutefois à vous assurer que la Belgique continuera à promouvoir les droits de toutes les personnes auxquelles s'applique la présente Déclaration, conformément au cadre existant et universel en matière de droits de l'Homme.

 
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